Etude de Cas : Concertation nationale (2)/Le passif. humanitaire ou politique ?

 « La fête de l’indépendance a été grandiose à Nouadhibou. Mais malheureusement l’histoire retiendra également qu’un certain 28 novembre, 28 négros-mauritaniens avaient été « massacrés » dans des conditions non encore élucidées. Plus de 500 autres ont connus pratiquement le même sort ce qui a entaché l’image d’une Mauritanie unie. Lors de votre accession au pouvoir, vous avez organisé la prière de l’absent à Kaédi et procédé à des indemnisations. Pensez-vous, -trois ans avant la fin de votre mandat-, que le passif humanitaire tel qu’il a été procédé a été complétement clos ou est-ce qu’il y’aura d’autres actes qui seront posés pour continuer à régler cette question ? »

 

C’est mot à mot la question posée par notre confrère Dia Cheikh Tidjiane du quotidien le Rénovateur à Mohamed Oud Abdel Aziz, lors de sa rencontre avec la presse organisée le 29 novembre 2015 en marge des festivités marquant la célébration du 55 ème anniversaire de notre indépendance nationale.

 

Et le président avait à l’époque répondu en disant : « Ce qui est arrivé est regrettable on y peut rien. Mais ce n’est pas en remontant les uns contre les autres que ce problème sera réglé, je ne le pense pas en tout cas d’autant plus que cela ne ressuscitera pas les morts. Et, en reparler chaque fois et à chaque instant, cela ne sert ni le pays, ni les familles des victimes et cela ne fait qu’inciter à la haine et à la violence. » 

 

Question-réponse entre un journaliste curieux (par devoir de mémoire) de savoir, et un président qui connait très bien le problème pour l’avoir traité à sa manière, en se basant sur l’avis de quelques oulémas triés à la volée et des intermédiaires véreux, pour indemniser dans la « clandestinité » et « l’opacité totale » quelques familles ciblées sans qu’on sache jusqu’à cette date qui sont ces familles et sur quelle base ces indemnisations ont été accordées. C’est en tout cas ce qu’avait dit en mai 2013 Ibrahima Moctar Sarr président de l’AJD/MR sur le plateau de la télévision nationale en tapant du poing sur la table.

 

La solution qui avait été préconisée par Ould Abdel Aziz à l’époque, non pas seulement n’a pas résolu le problème, mais plus grave avait créé un véritable cafouillage qui n’avait servi qu’à dresser les victimes négro-mauritaniennes les unes contre les autres.

 

En 2015, l’ancien président Ould Abdel Aziz considérait donc que « revenir » à chaque fois sur ce douloureux problème et continuer à le « jeter sur la table » ne profite ni au pays, ni aux familles des victimes et   cela ne sert qu’à inciter à la haine.  Mais ce que Ould Abel Aziz avait oublié c’est qu’il est évident que ce problème n’allait pas être classé « sans suite » même après ces indemnisations de « dessous de table ». Simplement, parce que le travail fait avait été fait tout juste pour jeter de la poudre aux yeux de certaines organisations humanitaires qui avaient été flouées.

 

Mais au-delà même de cet angle de vision du problème, il y’a un constat qui s’est fait de lui-même. Apparemment, aujourd’hui on a comme l’impression que la prière de Kaédi pour les « absents » de Wothii, de Sory Malé et la lecture du Saint Coran à la mémoire des pendus d’Inal n’ont servis qu’à un « jeu  de comédie » de mauvais gout et n’ont donc pas contribué du tout à la résolution d’un problème pour lequel encore une fois peut-être, (je pèse mes mots), le 28 novembre prochain des voix élevées vont se confondre au bruit de l’explosion de grenades lacrymogènes.

 

Si les mauritaniens auront le 28 novembre prochain rendez-vous avec ce qui sera cette année probablement le plus grand et le plus beau défilé de nos forces armées et de sécurité réorganisées, restructurées et suréquipées par une  bonne gouvernance de Hanana Ould Sidi le Ministre de la défense et par une volonté politique de renforcement des capacités  de notre système de défense décidée par le chef de l’état Ould Ghazouani, il y’aura aussi  peut être,  de fortes chances que les policiers anti-émeutes  du Général Misgharou, aient eux aussi rendez-vous quelque part avec les activistes de l’ONG COVIRE.

 

Ce n’est pas souhaitable. Mais le 28 novembre prochain, rien ne prouve en tout cas qu’une fois encore deux fêtes parallèles soient célébrées. L’une dans la joie, l’autre dans la tristesse ce qui est regrettable et qui depuis 30 ans, donc une longue prolongation. Dans moins de 50 jours, six ans après la cérémonie qui s’est déroulée à Nouadhibou, encore une fois comme le disait Dia Cheikh Tidjiane  le brillant journaliste du Rénovateur, la célébration de la fête de l’indépendance  va rappeler à la  triste Histoire de notre pays « qu’un 28  novembre en  1990,  28 négros-mauritaniens avaient été pendus ».

 

 

Leçon de vocabulaire. 

 

 

« Réconciliation nationale », « vérité et réconciliation », « devoir de mémoire », « pardon », « réparation », comme je le disais donc dans un précédent article, ces expressions sont entrées dans le vocabulaire des halpoulars depuis 86 (le manifeste), 87  (le coup d’état avorté),  89 (les expulsions ciblées) et  90 (les pendaisons extrajudiciaires d’Inal). 

 

En plus de ces expressions à connotations judiciaires et humanitaires, depuis que le président Ould Ghazouani a invité les mauritaniens à des concertations élargies pour lancer le débat afin d’essayer de trouver des solutions définitives à tous les vrais problèmes qui se posent, certains activistes politiques halpoulars ont ajouté à leur lexique « partage du pouvoir ».

 

Cela peut signifier simplement que, comme on peut le constater, les objectifs visés par certains « leaders » politiques proches de l’extrémisme n’ont pas dévoilé tous leurs secrets. Réconciliation nationale, vérité et réconciliation, devoir de mémoire, pardon, devoir de réparation, partage du pouvoir, voilà donc mise à jour, la liste des « revendications » en prélude aux concertations attendues.

 

Et c’est à cette liste de revendications exprimées dans une linguistique qui se visse sur des plaques politiques de certaines associations humanitaires et de la société civile basées en Europe et aux Etats-Unis que s’agrippent les activistes de leurs succursales basées dans le pays,

 

Il y’a eu des drames regrettables c’est vrai dans la fourchette des années 86/91. Ould Abdel Aziz l’avait reconnu d’ailleurs publiquement devant la presse en 2015. Ces drames, avant lui, avaient touché profondément feu Sidi Ould Cheikh Abdallahi et d’ailleurs pour les résoudre il avait avant d’avoir été trahi, commencé à mettre en place des mécanismes pour les régler définitivement. Il y’a eu des drames douloureux et Ould Ghazouani l’actuel président en est bien conscient, il en compatit et c’est d’ailleurs pourquoi, il a décidé sans subir aucune pression, d’inviter toute la classe politique à des concertations élargies au cours desquelles chacun pourrait apporter sa contribution pour aider à résoudre ce qui peut l’être de ces problèmes pour lesquels chacun de ses prédécesseurs (Aziz et Sidi) avait apporté sa propre touche.

 

 

Les Poulars. Une locomotive de traction pour les communautés ?

 

 

Pour résoudre un problème il faut bien savoir lequel. Malheureusement, certains activistes politiques halpoulars qui se sont attribués les droits de défense des victimes ne jouent pas jeu franc et honnête. Ni avec eux-mêmes, ni aussi avec ceux qu’ils sont sensés défendre les droits. Ils veulent faire des problèmes des communautés Halpoularènes (poular et peulh), qui sont des problèmes réels, les problèmes de tous les noirs de Mauritanie au sens large du terme. C‘est faux. Et, intellectuellement et politiquement ce n’est pas honnête.

  

Dans ce pays, les problèmes qui se posent pour « les négro-mauritaniens » ne sont pas des problèmes qui se posent aux communautés noires « au pluriel ». 

Ce que l’on appelle passif, et qui est en rapport avec des actes de racismes posés ou de discrimination, avec pour conséquences le Manifeste de 86, la tentative du coup d’état avortée de 87, les expulsions ciblées des halpoulars en 89 ou avec les pendaisons extrajudiciaires d’Inal en 90, est un problème qui affecte une seule communauté. Celle des halpoulars. 

 

Ce sont des problèmes réels certes, graves par la nature et la dimension de certains de leurs aspects judiciaires et humanitaires. Oui, il y’a eu Inal, il y’a eu Oualata, il y’a eu Jreida, il y’a eu Sory Malé et Wothie. Mais les soninkés, les wolofs et les harratines ne comptent pas parmi les victimes de ces événements qui ne ciblaient que la communauté halpoular. C’est une réalité quoiqu’on dise et quoiqu’on pense.

 

Puisque les mauritaniens vont se retrouver pour se concerter afin de tenter de résoudre les problèmes qui se posent à notre cohésion nationale, il faut que ces mauritaniens se disent la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. C’est ce que par exemple on peut, si l’on veut, appeler le « droit de savoir », une expression qui peut être, pourquoi pas, elle aussi ajoutée au lexique des activistes politiques. 

           

Par exemple, si les halpoulars et les wolofs sont souvent confrontés à des problèmes d’enrôlement, ce n’est pas forcément le cas pour les soninkés et les harratines. Si les poulars et les wolofs ont le plus souvent plus de difficultés à obtenir des documents d’état-civils que les autres c’est parce que simplement, ils n’ont jamais pu donner les preuves qu’ils n’infiltrent pas des sénégalais « assimilés » à des mauritaniens. Dans un tel cas, les poulars ne doivent pas mettre dans leur panier de protestation les soninkés et les harratines qui n’ont aucune difficulté à se faire enrôler parce que simplement ils ne s’adonnent généralement pas à des trafics humains transfrontaliers.

 

Par ailleurs si le système éducatif handicape les poulars, les soninkés et les wolofs (ce qui est prouvé il faut le préciser), il n’handicape pas les harratines. Donc les halpoulars doivent retirer les harratines de leur panier de revendications en rapport avec cette question. 

 

Si le devoir de mémoire en rapport avec Inal en 90, avec le Manifeste de 86, avec la tentative de coup d’état de 87, avec les événements de 89 et 91, touche particulièrement  les poulars et parfois des peulhs, ces derniers ne doivent pas, par honnêteté morale verser les soninkés et les wolofs dans le panier des revendications en rapport avec ces événements.

 

Avant d’aller aux concertations armés de slogans et de terminologies politiques qui « tintamarrent », à mon avis, les activistes halpoulars  doivent « tamiser » leur panier pour  se débarrasser des problèmes qui ne sont pas leurs problèmes et pour lesquels ils ne sont pas  mandatés par les autres communautés pour négocier à leur place.

 

 

Aller aux concertations avec bonne foi et volonté de réussir.

 

 

Le règlement de tout problème quel qu’il soit passe avant tout par la réalité de son existence. Et, à partir de ce moment, on doit proposer des approches responsables pour trouver des solutions. C’est à cela que les différents responsables des Mouvances politiques et humanitaires « halpoulars » que constitue le plateau des revendications doivent s’atteler, je le pense sincèrement, 

 

C’est comme cela seulement que la longue marche des lutteurs pour les droits et droits de l’homme, Alassane Ba, Sarr Ibrahima, Balas, Kane Hamidou Baba,  Ibrahima Wélé,  Meimouna Alpha Sy, Abderrahmane Wone,  Kane Mamadou, Sy Mamoudou, Samba Thiam,  Ibrahima Mifo, Mamadou Wane, Mamadou,  Sidi Ba, Yahya Thiam, Khadiata Malick Diallo et d’autres et d’autres encore sera couronnée  de succès par la solution définitive de ces problèmes qui ont plus que durés. 

 

C’est pourquoi, à mon avis, ceux qui iront   aux concertations doivent plus plancher pour la recherche de solutions définitives aux problèmes qui polluent le « vivre ensemble » dans notre pays plutôt que de se battre sur des terminologies qui n’influeront ni sur le fond ni la forme. Pour cela évidemment, il est d’intérêt que les halpoulars ne  partent pas en ordres dispersés avec dans leurs chemises à rabat des idées qui commencent à se périmer qui étaient exposées à la vente dans des foires de dénigrements ailleurs en occident ou aux Etats-Unis et. 

 

La porte de la « concertation » sera grande ouverte. C’est ce qu’affirment en tous cas tous ceux qui ont rencontré le nouveau président. (Ould Daddah, Kane Hamidou Baba, Mohamed Ould Maouloud, Samba Thiam, Biram Dah Ould Abeid, Boidjiel Ould Houmeid, Balas, Sarr Ibrahima Moctar, Jemil Mansour). Cette porte débouchera sur une autre porte qui s’ouvrira celle-là sur les solutions proposées qui seront acceptées par le pouvoir en place. 

 

Il vaut mieux donc, pour ceux qui portent sur eux les lourdes responsabilités de ceux qui les mandatent (morts ou vivants) et ceux qui parleront à leurs noms, de ne pas louper ce rendez-vous avec l’événement du siècle. Qu’ils sortent après les concertations par la porte qui ouvre sur les solutions définitives de ces problèmes qui suffoquent notre désir de Cohabiter et de Vivre Ensemble. 

 

Je crois que c’est un rêve auquel nous aspirons tous depuis toujours.  Ce rêve de voir une Mauritanie réconciliée avec elle-même, par elle-même et  pour elle-même. C’est bien ça la « Coalition Vivre Ensemble ». En fait une Vérité-Réconciliation, véritable cadeau offert par le président Ould Ghazouani à tous les acteurs politiques sur un plateau d’argent. Un réel cadeau cette fois. Un cadeau ne se refuse pas.

 

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant.

sam, 23/10/2021 - 22:19