La paix! Le mot est désormais galvaudé, il est répété, chanté et crié sans conviction. Il est plutôt sur les lèvres et toutes les lèvres. Il est omniprésent sur les réseaux sociaux et cristallise tous les débats, sans conviction véritable et sans sincérité. La paix est d'abord stratégique, elle est celle des grands esprits et s'accommode mal avec l'orgueil. Elle suppose des concessions, des réajustements et même dans une certaine mesure la rupture. Or, la rupture n'est pas sans douleur, même lorsqu'elle est opérée de manière soft, à fortiori, si elle est harde. En effet, elle implique un changement, une remise en cause des habitudes, des traditions, une certaine manière de penser et parfois d'être.
Sous ce rapport, la rupture exige une forme d'élasticité, de la gymnastique au risque d'un déchirement ou d'une crampe musculaire douloureuse. Cela s'appelle de la tolérance. C'est pourquoi, tout changement qui touche les fondements sociétaux et les valeurs a besoin d'hommes vigilants, ouverts, consensuels, mesurés, sincères mais surtout pragmatiques. Vouloir, jeter tout un passé dans les oubliettes, c'est insulter la mémoire des anciens. Ceux qui nous ont balisés les chemins, débroussaillés l'horizon en posant la première pierre en toute chose. Hommage mérité à ceux-là. Mais, après cette reconnaissance, acceptons qu'ils avaient agi plus pour eux-mêmes que pour nous.
Le modèle social qu'ils nous ont légué est conçu et taillé sur mesure pour eux, pour une époque donnée et pour répondre à des défis et préoccupations liés à une époque irréversible et aux réalités non reproductibles.
Si nous voulons la paix. Il nous revient de faire une synthèse alchimique qui ne retiendra que le substrat, l'esprit et l'âme de ma société traditionnelle héritée et non le corps déjà meurtri et agonisant d'un passé surchargé et suranné. Nous l'avions, perdu de vue assurément, la société traditionnelle, dont certaines de ses mérites étaient fondées sur la SOLIDARITÉ, LE RESPECT, LE TRAVAIL ET L'HONNEUR. Mais ces mots ne sont jamais restés figés. Le sens que leur donnaient les anciens, dans une société fortement hiérarchisée voire isolée n'est pas forcément le même qu'aujourd'hui, dans notre société soumise à des multiples influences : régionale, nationale, continentale, mondiale etc. Nous existons pour nous-mêmes et non pour les anciens.
Nos réalités sont différentes.
Ils ont pu créer, inventer, élaborer un contrat social pour eux .
A nous maintenant, de faire preuve de virtuosité pour inventer le nôtre, sans les blâmer ou les compromettre. Mais cet exercice ne peut se faire sans une réelle volonté qui sous-tend un génie capable de discernement entre ce qu'il faut prendre des anciens, le copier pour l’adapter, peut-être le façonner, le perfectionner et ce qu'il faut abandonner tout simplement, par ce que inapproprié, devenu caduc et même source de division. Il faut aimer les anciens, vanter leurs mérites mais ne tombons jamais dans l'idéalisme : comme la passion ou l'amour qui sont aveuglants et empêchent souvent de "voir clair".
Raisonner ou résonner pitoyablement, serait de soutenir qu'il faille tout ramener à l'ancien, ne rien changer par ce que, les changements menacent nos traditions, notre culture et coutumes Soninké, alors que le cours des événements a déjà choisi sa trajectoire sur l'orbite d'un monde changeant.
Respect de traditions. Respect des traditions.
Posséder un Nègre, avoir un petit Nègre derrière son véhicule, là où aujourd'hui on met les chiens, était une tradition chez les familles occidentales bourgeoises, avant l'abolition de l'esclavage. Idem pour l'Afrique du Sud sous l’apartheid. Mais, il fallait y renoncer, abandonner cette tradition,- bonne pour certains et une malédiction pour les victimes- ce qui n'a manqué de créer beaucoup de remous et beaucoup de mécontentement. Éliminer certaines traditions ne peut engendrer l'effondrement d'une société. D'ailleurs qu'on le fasse ou pas par anticipation et clairvoyance pour conduire la société vers des lendemains meilleurs, le temps, lui, agira en douceur et il aura raison sur l'être humain à plus forte raison des cultures et traditions inventées par ce dernier.
Seyré SIDIBE, ma contribution au débat Soninké