Autant la promotion de la culture pluviale est indispensable avec un potentiel de 50.000 à 100.000he selon la pluviométrie, autant sa pérennisation est cardinale. Malheureusement la période n’est pas luxuriante pour cette activité qui connaissait de par le passé un engouement sans précèdent.
Force est de constater que par le réchauffement climatique ; la désertification ; la désertisation ; le glissement des isohyètes vers l’Equateur engendrant des déficits pluviométriques ; les feux de brousse ; la déflation éolienne ; les phénomènes de piétinement… l’anthropisation cette activité à péricliter.
Mais le facteur limitant qui a le plus exacerbé cette situation est la divagation des animaux. Des conflits récurrents entre agricultures et éleveurs ont engendré de douloureux événements.
La plupart de nos éleveurs sont beaucoup plus intéressés par l’embonpoint de leur cheptel que les rendements agricoles ainsi ils n’hésitent pas à faire paître leurs animaux dans les champs advienne que pourra.
L’application de la législation reste faible et le dédommagement anodin. Les haies autour des champs ne peuvent pas endiguer la ruée du bétail et ne font que détériorer la nature si bien qu’aujourd’hui l’inventaire floristique est vite dressé : Acacia radiana (ciluki), Balanites aegyptiaca (murtooki), Zizyphus mauritanus (jaabi), Calotropis procera (bawaame), Leptadenia pyrotechniica (selew), Boscia senegalensis (gijile).
Quant à la phenici culture, aa menace est bien réelle. N’étant pas des phréatophytes, avec la baisse du niveau phréatique les palmiers sont en passe d’extinction et les œufs de cochenilles qui inhibent la photosynthèse en recouvrant les feuilles ne sont pas pour arranger les problèmes.
Il y a lieu de redéployer les rejets des palmiers dans tout le pays pour la conservation de cette plante.
Que les cultivateurs surveillent leurs champs le jour et que les bergers surveillent leurs troupeaux la nuit est certes nécessaire mais est ce suffisant ?
Le moment est venu d’organiser le terroir : définir les zones de cultures ; baliser les zones d’élevage ; les pare feux ; les points d’eaux; les zones d’habitation ; les parcours de transhumance ; les pistes de production avec une méthodologie participative impliquant l’Administration ; les acteurs du secteur primaire , la société civile car rien ne sert de courir il faut partir à point pour ne pas à chaque fois avoir zéro récolte du fait de la divagation des animaux avec une application stricte de la législation en vigueur.
Le moment est venu de cesser de courber l’échine sous le soleil ardant des tropiques en réintroduisant la culture attelée ; en introduction des demi-lunes en quinconce ; des sillons et des billons perpendiculaires à l’écoulement gravitaire de l’eau (une eau qui s’infiltre parce que le sol est perméable ; qui ruisselle sous l’effet de la pente ; qui s’évapore sous l’effet de la température et qui s’évapo-transpire sous l’effet de la physiologie) ; à la rotation des cultures et à l’introduction de la grande mécanisation.
Le moment est venu de lever les paradoxes (un pays qui n’a pas de fleuve et qui nourrit notre pays en fruits et légumes) et de changer les paradigmes et de passer de la houe à la roue ; de vulgariser les pluies artificielles par ionisation des nuages en attendant de détourner les pertes d’eau dulcicoles (15.000 km3/an) dans l’Océan au profit de l’agriculture continentale d’autant plus que la bataille entre l’harmattan et les vents de mousson c’est la sécheresse qui gagne.
Le domaine géomorphologique du diéri , au lieu juste des trois mois d’hivernage doit être une destination pérenne (duumal jeeri) en associant agriculture, élevage, sylviculture ( avec seulement 0,2% de forêt classé) en réintroduisant Acacia sénégal ; Moringa oleifera ; pisciculture ; apiculture avec des forêts classées intégrées (FCI) avec des haies vives à plantes xériques (Acacia meliféra ; Euphobia balsanifera) pour lutter contre le chômage des jeunes (73,4% en zone urbaine ; pourcentage en âge de travailler de 15 à 59 ans était de 50,2% en 2013) ; la famine ; le pauvreté ; l’exode rural ; l’émigration clandestine et donner une nouvelle chance à nos jeunes prisonniers du droit commun pour lesquels le budget de prise en charge à lui seul peut financer des campagnes agricoles.
Ainsi notre pays jouera sa partition dans la mise en place de la Grande muraille verte dans un contexte où nous avons reçu trois cartons jaunes : la fermeture de la passe de Guerguerate pendant laquelle les prix des légumes sont montés en crescendo ; le bouleversement socioéconomique consécutif à la pandémie du Covid ; la guerre entre les deux grands céréaliculteurs que sont la Russie et l’Ukraine.
L’acquisition de l’autosuffisance alimentaire est un défi, un impératif et une riposte pour changer le rapport entre l’offre et la demande dans notre pays ; l’importation et l’exportation.
En tout cas, à chaque fois que les coqs chantent et que les jours paraissent et que tout s’éveille dans nos villages et campements nous devons manger et que si nous ne mangeons pas de notre agriculture, nous mangerons de l’agriculture d’autrui.
Mr Alhousseynou Abdoulaye Sy
Professeur des Sciences de la nature à Boghé
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