De grandes difficultés et obstacles minent la nouvelle voie maritime reliant l’Algérie à la Mauritanie récemment inaugurée. Le projet porté par Alger vise à concurrencer le Maroc sur les marchés mauritanien et ouest-africain, en filigrane le dossier du Sahara.
L’Algérie n’a pas d’ouverture maritime sur l’Atlantique, c’est bien connu, mais le pays ambitionne depuis février de devenir un important partenaire commercial pour la Mauritanie et les pays de l’Afrique de l’Ouest par voie maritime.
L’appétit pour ces marchés s’explique par une concurrence recherchée avec le Maroc en particulier en raison du dossier du Sahara. L’Algérie cherche à se positionner comme une deuxième voie sur ces marchés, au moment où l’axe routier Alger-Nouakchott est devenu impraticable.
Cela a pu être constaté lors du blocage en 2021, pendant une vingtaine de jours de l’axe routier de Guerguerat reliant le Maroc à la Mauritanie par la milice du polisario (envoyée par l’Algérie, ndlr), empêchant ainsi la Mauritanie d’être ravitaillée en produits frais. Au même moment, l’Algérie envoyait 2 avions chargés de ces mêmes produits à la Mauritanie.
En février, l’Algérie a renouvelé son projet de créer la route Tindouf-Zouerate de 775 kilomètres de long, un projet qui traine depuis les années 70, depuis la présidence de Boumediene.
Mais lors de sa dernière visite en Algérie, le président mauritanien Mohamed Oud Cheikh El Ghazouani, a fait comprendre à son homologue Abdelmadjid Tebboune, que la route dans l’état actuel était une source de problèmes sécuritaires pour le Mauritanie, et c’est ce qui a poussé l’Algérie à se rabattre sur la voie maritime.
C’est ainsi que l’Algérie a annoncé l’inauguration d’une voie maritime commerciale avec la Mauritanie, où les navires devraient également faire escale à Dakar au Sénégal. « Une ligne maritime qu’elle voulait voir- semble-t-il – concurrencer le Maroc en Mauritanie et le reste des autres pays d’Afrique de l’Ouest », a commenté le quotidien mauritanien Al Anbaa.
Des difficultés à tous les niveaux mais un acharnement total
Sauf que ce projet algérien était aussi compliqué à mettre en œuvre sur le papier qu’en pratique. Le directeur général de la compagnie maritime nationale algérienne « Kenan », Noureddine Koudel, a révélé que la compagnie ne peut pas lancer de navire sans garantir une expédition complète, selon la presse mauritanienne. Le voyage du mois de juillet, attendrait encore que les exportateurs se manifestent.
En d’autres termes, l’Algérie peine à trouver des marchandises à envoyer en Mauritanie. Le patron de la société de transport algérienne, a indiqué en ce sens qu’il fallait remplir une capacité estimée à 7 500 tonnes, équivalant à 400 conteneurs.
$Koudel, a indiqué en outre, que les opérations d’importation depuis la Mauritanie n’ont pas été programmées à ce jour, notant au passage que les possibilités d’importer depuis la Mauritanie « sont peu nombreuses et peuvent se limiter au poisson congelé et à la farine de poisson ».
Et d’ajouter que « l’importation de poisson à l’heure actuelle n’est pas possible en raison du manque de disponibilité de conteneurs spéciaux pour congélateurs ».
Il ressort ainsi que cette ligne maritime est doublement pénalisante pour l’Algérie, d’une part parce qu’elle n’est pas opérationnelle par manque de produits à exporter et d’autre part, parce que les navires feront un retour à perte puisqu’ils n’auront aucune marchandise à importer.
En termes de logistique, ces voyages programmés 1 fois par mois, seront extrêmement couteux pour l’Algérie, autant au niveau du carburant mais auront aussi une empreinte écologique importante, sans oublier qu’ils ne rapporteront pas grand chose en retour.
Chaque voyage durera 25 jours, dont une semaine entre l’Algérie et Nouakchott et une journée de Nouakchott à Dakar au Sénégal, puis 8 jours pour le retour, et une semaine d’arrêt dans les deux ports africains.
Le responsable algérien a indiqué que le rythme d’organisation des voyages à travers cette nouvelle ligne sera soumis à la demande des exportateurs, soulignant qu’il est « difficile de les collecter, dans des délais précis », en raison de ce qu’il a décrit comme un « manque de coordination des opérations d’exportation en raison de l’absence d’une autorité chargée de ce travail ».
Malgré tous ces défis auxquels l’Algérie fait face dans son projet de ligne maritime, le pays persiste et à présent cherche à trouver des partenaires capables de remplir les conteneurs. C’est ainsi que le Premier ministre algérien s’est tourné vers l’Italie lors d’une allocution à l’occasion du Forum économique Algéro-italien, le 18 juillet.
Il a appelé « l’ensemble des opérateurs économiques des deux pays à relever le défi en hissant le partenariat économique bilatéral à des horizons plus larges », en faisant référence aux pays africains voisins.
« Les mesures incitatives et les nouvelles orientations permettront aux entreprises italiennes et algériennes de saisir toutes les opportunités offertes pour la création de partenariats ambitieux, qui vont au delà du marché algérien, pour toucher les marchés des pays voisins, africains notamment », a-t-il déclaré, selon des propos rapportés par l’agence de presse algérienne APS
MondeYasmine Saih
Hespress