Une vidéo fallacieuse d’une personne mangeant une chauve-souris, des bilans exagérés, de prétendus remèdes miracles… un déluge de fausses informations sur l’épidémie de pneumonie virale se propagent sur les réseaux sociaux et alimentent les craintes des populations.
À Hong Kong, Phoebe, une médecin de 40 ans, se dit consternée par les messages reçus ces derniers jours sur le groupe formé par sa famille sur Whatsapp.
« J’ai vu une information… qui conseillait d’utiliser un sèche-cheveux pour se désinfecter le visage et les mains ou de boire de l’eau chaude à 60 degrés pour rester en bonne santé », a raconté à l’AFP cette professionnelle médicale qui n’a donné que son prénom.
« J’ai également vu un message sur Facebook recommandant aux gens de boire du Dettol (un désinfectant ménager) », a-t-elle ajouté.
En tant que spécialiste de la santé, elle sait qu’aucun de ces procédés n’est efficace et qu’ils peuvent même se révéler dangereux. Elle a donc mis en garde ses proches.
Mais combien de messages de ce type circulent actuellement ?
Selon des chercheurs, ils pullulent sur internet et sur les applications de discussions en ligne.
Depuis l’annonce début janvier de l’apparition de ce nouveau coronavirus dans la ville chinoise de Wuhan, les fausses informations ont envahi la toile.
Cristina Tardaguila, spécialiste des médias au Poynter Institute, affirme que plus de 50 organisations effectuant dans 30 pays du « fact-checking » – vérification par des tiers de « fausses nouvelles » – ont répertorié « trois vagues » de fausses informations.
« Une concerne les origines du virus, une autre un faux brevet médicaments et une troisième la façon de le prévenir ou le soigner », a-t-elle expliqué à l’AFP.
Stéréotypes racistes
Les journalistes chargés du « fact-check » au sein de l’AFP ont recensé une multitude de fausses informations.
L’une d’entre-elles, circulant au Sri Lanka, affirmait que les 11 millions d’habitants de Wuhan allaient mourir.
Une autre que des produits alimentaires et des localités australiennes seraient contaminées par ce nouveau coronavirus, alors que de nombreuses publications prétendaient qu’une solution saline permet de se prémunir.
Certaines de ces fausses informations entretiennent les préjugés liés aux habitudes alimentaires en Chine ou les stéréotypes racistes.
Une vidéo devenue virale montre une femme mangeant une chauve-souris avec des baguettes.
Ces images, reprises par certains tabloïds occidentaux, se veulent la preuve que l’appétence de certains chinois pour les animaux exotiques est à l’origine de la crise.
Cette vidéo a en réalité été prise en 2016 dans l’archipel du Pacifique de Palau par un blogueur. Peu de médias ont par la suite relayé cette information.
Bien que la tradition culinaire chinoise utilise de nombreux ingrédients dédaignés ailleurs et que la vente d’animaux vivant sur les marchés inquiète, la chauve-souris n’est pas souvent consommée.
En Australie, où vit une importante communauté chinoise, les fausses informations se multiplient.
Lundi, un député de Brisbane a averti ses électeurs sur un faux communiqué de presse qui émanerait du ministère de la Santé et mettant en garde la population sur les risques des déplacements dans des banlieues à forte concentration de personnes d’origine chinoise.
« Avoir de fausses informations diffusées par des crétins racistes crée un sentiment de peur et d’incertitude », a-t-il déclaré à l’AFP.
« Peur et incertitude »
Sur internet, les sites d’extrême droite se sont emparés de l’épidémie.
Une des premières fausses informations à se répandre concernait l’existence d’un vaccin contre ce nouveau coronavirus qui aurait été breveté en 2015.
En réalité, le brevet en question portait sur un coronavirus trouvé dans de la volaille.
Hal Turner, animateur d’une radio d’extrême-droite accusée de soutenir les suprémacistes blancs a publié un article sur internet affirmant que 112.000 personnes sont déjà mortes en Chine et que 2,8 millions d’entre-elles ont été placées en quarantaine.
Lire aussiCoronavirus: la crainte d’une propagation en Europe
« Le coronavirus est un processus classique qui permet la propagation de rumeurs incubées dans une atmosphère de peur et d’incertitude », a expliqué à l’AFP Robert Bartholomew, un sociologue Néo-Zélandais.
Les titres des médias sensationnalistes – et une méfiance historique à l’égard du gouvernement chinois – ont facilité la propagation des rumeurs, a-t-il ajouté.
« Mais pour beaucoup de gens, la principale source d’information est les médias sociaux réputés pour véhiculer des histoires non vérifiées », a-t-il déploré.
Pour les autorités sanitaires, ce flot incessant de fausses informations complique leur travail.
« À Taïwan, les gens vont commencer à appeler leurs hôpitaux ou les agences gouvernementales, les inondant de questions et mobilisant des ressources humaines précieuses », a regretté Kevin Hsueh, un responsable de l’hôpital Cardinal Tien à Taipei.
Lesoir.be