L'institut de recherche du professeur Didier Raoult, à Marseille dans le sud-est de la France, a mis en ligne le résumé d'une nouvelle étude vantant les mérites de l'hydroxychloroquine contre le coronavirus, dont la méthodologie a aussitôt suscité vendredi de nouvelles critiques du monde médical.
«L'hydroxychloroquine (dérivée de l'antipaludéen chloroquine, NDLR) associée à l'azithromycine (un antibiotique, NDLR), administrée immédiatement après le diagnostic, est un traitement sans danger et efficace contre le Covid-19», peut-on lire dans la conclusion de cette brève pré-publication.
L'étude a été présentée jeudi au président Emmanuel Macron, en visite à l'institut du professeur Raoult, célèbre défenseur de ce traitement.
1.061 patients testés positifs au nouveau coronavirus ont reçu pendant «au moins trois jours» ce traitement promu par ce spécialiste des maladies infectieuses.
Après dix jours, plus de neuf sur dix (91,7%) avaient une charge virale nulle, c'est-à-dire qu'on ne trouvait plus de coronavirus dans leurs prélèvements, et cinq personnes (0,5%) sont mortes, des patients de 74 à 95 ans.
Ce pourcentage est «significativement plus bas» que chez «les patients traités sous d'autres régimes», assure ce résumé, qui précise aussi qu'«aucune toxicité cardiaque n'a été observée».
L'intégralité de l'étude n'a pas encore été publiée.
Le professeur Raoult a déjà publié des études sur l'efficacité de ce traitement, mais s'est attiré les foudres de plusieurs de ses pairs qui lui reprochaient notamment le faible échantillon de patients testés.
Cette fois, nombre de scientifiques saluent le nombre important des patients inclus, mais font valoir qu'en raison de la manière dont l'étude est réalisée, rien ne permet d'en déduire que le traitement «évite l'aggravation des symptômes et empêche la persistance du virus et la contagiosité dans la plupart des cas», contrairement à ce qu'affirment les conclusions.
«Malheureusement, en l'absence de bras comparatif (groupe témoin recevant un placebo, NDLR), c'est extrêmement difficile de savoir si le traitement est efficace ou pas», explique vendredi Arnaud Fontanet, un épidémiologiste de l'Institut Pasteur, membre du conseil scientifique COVID-19, sur la chaîne BFM TV.
«Ces résultats sont juste nuls et non avenus, ça ne nous apprend rien sur l'efficacité du traitement», s'emporte l'épidémiologiste Catherine Hill, évoquant elle aussi l'absence de groupe témoin et le fait que, d'après les données publiques disponibles, au moins 85% des gens guérissent spontanément, sans aucun traitement.
L'utilisation de l'hydroxychloroquine pour combattre le coronavirus est au centre d'un débat mondial.
Au Sénégal, la moitié des malades recensés du coronavirus se sont vu prescrire de l'hydroxychloroquine en milieu hospitalier, tandis que la Grèce a relancé sa production, que le Maroc souhaite y recourir pour «les cas confirmés» et l'Algérie pour les «cas aigus».
En attendant les résultats de tests et études en cours, la France a adopté une position prudente : l'hydroxychloroquine est autorisée à l'hôpital uniquement et seulement pour les cas graves.
Une prudence justifiée, a insisté vendredi l'Agence française du médicament, après la publication d'une enquête de pharmacovigilance selon laquelle si les effets secondaires de l'hydroxychloroquine sur le cœur sont connus, «il semble qu'ils soient majorés chez les patients du COVID», qui présentent souvent un déficit en potassium, élément essentiel à la contraction des muscles, et notamment du cœur, tandis que le nouveau coronavirus semble aussi avoir une toxicité propre sur le cœur.