« Moussa Traoré est décédé ce jour à 12 h 05 chez lui à Bamako. Nous sommes vraiment en deuil », a appris à l'Agence France-Presse son neveu Mohamed Traoré. Les causes du décès n'ont pas été dévoilées, alors que l'ancien général qui, condamné à mort à deux reprises après sa chute, avait dit être, en tant que militaire, « préparé à l'idée de ne pas mourir dans son lit ».
Moussa Traoré de putschiste à dictateur
Moussa Traoré, né le 25 septembre 1936 à Sébétou dans la région de Kayes n'était qu'un lieutenant-instructeur à l'école militaire de Kati (à 20 km au nord de Bamako) lorsqu'il prend le pouvoir par un coup d'État le 19 novembre 1968, renversant le président Modibo Keïta, au pouvoir depuis l'indépendance en 1960. Il était devenu président de la République un an plus tard et aura exercé un pouvoir quasiment sans partage pendant plus de 22 ans avant d'être renversé par un coup d'État militaire d'une partie de l'armée dirigée par Amadou Toumani Touré, le 26 mars 1991.
L'arrestation du dictateur faisait suite à des mois d'émeutes et de grèves générales qui avaient débouché sur trois jours de soulèvement populaire sanglant les 22, 23 et 24 mars. Sur ordre de Moussa Traoré, l'armée avait tiré sur la foule des jeunes manifestants, faisant entre 160 et 200 morts. De règlements de comptes aux complots réels ou imaginaires, en passant par l'élimination d'adversaires potentiels, Moussa Traoré s'était imposé dans toutes les sphères de la vie malienne, fondant en 1976, un parti unique, l'Union démocratique du peuple malien (UDPM). Les premières contestations contre son régime avaient commencé à la fin des années 1970 avant de prendre de l'ampleur dans les années 1980.
Après une courte période de transition, l'armée rend le pouvoir aux civils. Alpha Oumar Konaré est élu président en 1992, puis en 1997. Ce coup d'État sans heurts avait fait du Mali, un « modèle » de transition démocratique pour de nombreux pays.
Les nouvelles autorités ont organisé un premier procès contre Moussa Traoré, qui aboutira à sa condamnation à mort pour crimes politiques. Un deuxième procès, pour crimes économiques, se terminera par une deuxième condamnation à mort, à laquelle s'ajoute cette fois celle de sa femme, Mariam. Alpha Oumar Konaré, opposé à la peine de mort commuera la condamnation à mort en prison à perpétuité. Puis, en 2002, année où il achève son deuxième et dernier mandat, Konaré gracie le couple Traoré.
Une retraite paisible
Son décès survient dix jours avant son 84e anniversaire et sept jours avant celui de la proclamation de l'indépendance du Mali. Il survient aussi alors que son pays, plongé depuis des années dans une profonde crise sécuritaire, économique et politique, vient de connaître son quatrième coup d'État depuis l'indépendance et cherche à grand-peine les suites à donner au putsch du 18 août.
Ces dernières années, même déchu de tous ses droits d'ancien chef d'État, Moussa Traoré a tout de même bénéficié de la clémence de ses successeurs, devenant une sorte de vieux sage que les politiciens allaient consulter.
Le Point