Préhistoire de son l’histoire. La Première réforme de l’enseignement de 1959 avait provoqué le mécontentement aussi bien chez les maures que chez les noirs. Les maures cherchaient à aller loin dans la voie de l’arabisation, et les négro-mauritaniens ne voulaient pas de l’enseignement de l’arabe qui n’est pas leur langue maternelle.
En 1964, le gouvernement -sous pression selon certains-, décide de tenir compte des notes arabes dans le calcul de la moyenne générale pour passer en classe supérieure. Et, en 1966, comme pour enfoncer le clou, un décret vient appliquer la loi qui rend l’étude de l’arabe obligatoire au secondaire. C’est la goutte qui avait fait déborder le vase.
La réaction des négro-mauritaniens ne se fait pas attendre. Les élèves des ethnies noires déclenchent alors un mouvement de grève simultanément aux lycées de Nouakchott et de Rosso. Ces grèves dégénèrent en violents conflits raciaux qui opposent maures et noirs.
En pleine flambée de violence et dans ce chao, 19 hauts fonctionnaires noirs apposent leurs signatures au bas d’un légendaire manifeste qui dénonce la volonté du régime d’arabiser le pays.
Trois mois plus tard, en juin, à Aïoun, il est décidé de promouvoir une nouvelle politique culturelle fondée sur le bilinguisme pour placer peu à peu sur un même pied d’égalité le français et l’arabe. Une option fondamentale considérée plus juste à l’égard de chaque citoyen mauritanien.
En mars 1968, l’article 3 de la Constitution est révisé pour faire de l’arabe la “langue nationale”.
C’est la deuxième réforme du système éducatif mauritanien. Elle se révèle un échec simplement parce qu’à l’époque elle avait créé et développé des divergences ethniques. Les négro-mauritaniens voient dans cette décision un moyen d’oppression et d’assimilation qui menace à long terme leur identité culturelle.
1973. Une réforme éducative sensée conduire à l’adéquation d’un système scolaire adapté aux réalités spécifiques du pays et pour une indépendance culturelle réhabilite la langue arabe et la culture islamique. Pour les noirs, cette reforme instaure un rapport conflictuel parce qu’elle considère la langue arabe comme une authenticité culturelle et langue française comme une aliénation.
Cette réforme contestée ramenait la structure de l’enseignement du 1er degré de 7 années à 6 années, avec deux premières années entièrement arabisées. Le français n’intervenant qu’en troisième année. Elle ramenait aussi le second degré, à six années organisées en deux cycles de trois années chacun, comportant deux filières une arabe et l’autre bilingue. La filière arabe introduite visait à devenir à moyen terme la structure unique de l’enseignement secondaire.
La politique de l’arabisation intensive dénoncée par les négros-mauritaniens est épaulée durant huit ans entre 1973 et 1978 par une politique de recrutement massif d’enseignants arabophones issus pour la plupart des mahadras et de l’enseignement traditionnel. Des centaines d’enseignants et de professeurs issus des mahadras recrutés sur concours sont envoyés dans les classes pour enseigner des “candidats libres” et des “auditorats libres” afin de permettre un accès facilité pour plus de 6 000 élèves issus de l’enseignement traditionnel aux écoles.
En 1979, le pays comptait 422 écoles primaires, 18 établissements secondaires, une École Normale d’Instituteurs, une École Normale Supérieure, une École Nationale d’Administration.
L’application de la réforme de 1973 n’a eu qu’une durée limitée à cause du déclenchement en 1975 de la guerre du Sahara qui avait plongé le pays dans de graves difficultés. Ces difficultés qui ont été à l’origine de la prise du pouvoir par les militaires en 1978. Les nouveaux dirigeants du pays (militaires), sous pression des mouvements nationalistes arabes radicaux de tendance nassériste ou baathiste ont alors imposé une radicalisation des options linguistiques.
En 1979, le C.M.S.N, décide de mettre en place une quatrième réforme du système éducatif destinée à une aplication en 1985 après une période transitoire de 6 ans, et il décrète en 1980, deux ans après la chute de Daddah, l’arabe comme seule langue officielle du pays. Mais pour amortir le choc que cela pouvait faire pour les négro-mauritaniens, le Comité militaire accorde aux langues, poular, soninké et wolof le statut de langues nationales et au français, celui de langue étrangère privilégiée.
La réforme de 1979 prévoyait l’officialisation des langues nationales, leur transcription en caractères latins, la création d’un institut de transcription et de développement des langues nationales, et enfin l’enseignement de ces langues. Preuve d’un échec, cette réforme radicale qui devait être au rendez-vous en 1986 pour son application est morte même avant sa naissance.
En 1999 le gouvernement mauritanien décide de procéder à une cinquième réforme du système éducatif pour tenter de remédier aux insuffisances en unifiant le système éducatif et en supprimant les filières arabe et bilingue existantes.
Cette réforme qui se voulait équilibrée et réaliste ne rencontre ni l’adhésion des arabophones radicaux qui exigeaient une arabisation intégrale, ni des négro-mauritaniens extrémistes qui n’en voulaient pas. Les premiers reprochaient à la reforme de vouloir imposer une forme de francisation du système éducatif ” donc de chercher à faire un demi-tour vers l’oppression culturelle, et pour les seconds, les négro-mauritaniens, cet « arrangement » se fait à leur détriment parce que les six matières définies comme matières culturelles qui seront dispensés en arabe, (Philosophie, langue, histoire, géographie, et les instructions civiques) représenteraient un handicap scolaire pour les enfants issus des communautés negro-mauritaniennes.
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La guerre des tranchées entre communautés arabes et négro-mauritaniennes.
1966. le 4 janvier tous les élèves noirs des lycées de Nouakchott et de Rosso se mettent en grève déclarée illimitée. Ils réclament la suppression pure et simple du décret d’application de la Loi du 30 janvier 1965 qui rend obligatoire l’enseignement de la langue arabe au secondaire. Ce mouvement de contestation scolaire synchronisé entre les établissements de Nouakchott et de Rosso, justifie pour de nombreux cadres originaires de la vallée une raison pour soutenir la protestation des élèves.
Deux jours plus tard, le 6 janvier, en signe de solidarité, dix-neuf de ces cadres negro-mauritaniens prennent une position osée, courageuse et très risquée. Ils apportent leur soutien à la revendication des élèves en rallongeant même les revendications au problème de la cohabitation nationale.
Ils publient donc le Manifeste des 19, un pacte, un lien de sang, une provocation du pouvoir à visage découvert.
Le 8 janvier 1966, quatre jours après la première étincelle, 31 fonctionnaires noirs de Nouakchott apportent leurs soutiens aux grévistes et approuvent le Manifeste des 19 signé par 4 ingénieurs, 8 instituteurs, 2 inspecteurs de trésor, 1 magistrat, 1 professeur, 1 commis comptable, 1 statisticien et un administrateur.
Le même jour, la grève s’étend à Kaédi. Le mouvement, né « in vitro » dans la cour des lycées de la capitale et de Rosso devient une contestation généralisée qui touche la fonction publique.
Dans la liste des signataires de ce qui est resté jusqu’à ce jour une feuille de route de revendications des droits des negros-mauritaniens, des noms célèbres comme Bal Mohamed El Habib, Daffa Bakary, Koïta Fodié, Bal Mohamed El Bachir, Coulibaly Bakary, Ba Abdoul Aziz entre autres résonnent comme les notes de musique d’un hymne révolutionnaire.
56 ans après ces évènements liés à des revendications qui ont tourné au drame (6 morts et 70 blessés), selon la version officielle mais beaucoup plus dans les faits, l’onde de choc est toujours perceptible. Elle avait même doublé d’intensité par la réplique du manifeste du négro-mauritanien de 1986.
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Les enseignants perturbateurs à outrance ?
L’enseignement de notre pays est considéré par beaucoup comme la réelle tumeur des problèmes qui se posent à l’éducation nationale. Que cet enseignement soit primaire, secondaire ou universitaire. Au-delà même des aspects politiques de la question, l’enseignement par causes « graves » à effets « dévastateurs » , entraine des conséquences qui perturbent tout le système éducatif à cause d’une part, les tâtonnements qui se cachent derrière des insuffisances, les incapacités professionnelles qui se multiplient, et cette volonté manifeste de sabotage délibéré du corps enseignant et professoral qui pénalise toutes les politiques mises en applications par les régimes qui se succèdent pour résoudre cet épineux problème, par des mouvements de grève perpétuels.
Ce qui avait commencé donc par une tentative « réussie » de faire des élèves des Mahadras des enseignants, s’est terminé malheureusement par un jeu de « roulette russe » auquel a été exposé tout le système éducatif, même pour la mise en place d’une politique consensuelle. La Mauritanie s’est retrouvée hélas, depuis les premières ondes de chocs des mouvements de grèves, dans un engrenage de problèmes qui porte gravement atteinte à l’intégrité scolaire de l’ensemble des mauritaniens de toutes les communautés.
Depuis 1966, date de la première erreur grave entrainée par une reforme hasardeuse à cette époque, jusqu’à ce jour, ni les négros-mauritaniens, ni même les maures n’ont tiré un quelconque profit réel de ces acrobaties de voltiges de cet enseignement en perdition pédagogique, en perte de valeur et surtout prostitué par des considérations politiques qui tirent plus vers des intérêts matériels des individus que vers un avenir scolaire ou intellectuel garantis aux enfants.
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Des enseignants plus attachés à l’indemnité de la Craie que la Craie elle-même.
En cinq ans, entre 1973 et 1978, le système politique traditionnel et féodal des mouvances nationalistes arabes radicales d’obédiences nassériste ou baathiste a réussi des avancées spectaculaires dans ce que les négro-mauritaniens appellent l’« arabisation à outrance ». Si au départ, ces mouvances nationalistes arabes cherchaient à libérer un nombre important de places dans les sphères administratives et militaires occupées par les francisants, (que ces francisants soient mauritaniens arabes ou mauritaniens de couleurs, ou mêmes étrangers naturalisés mauritaniens après l’indépendance du pays), la guerre déclenchée a fait subir au pays des pertes énormes en ressources humaines et sur d’autres plans.
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Fuites massives à l’étranger de cerveaux chassés par l’arabisation à outrance.
Sur le plan des ressources humaines de très nombreux cadres issus des communautés négro-mauritaniennes (toutes confondues), bardés de vrais diplômes obtenus dans de prestigieuses écoles supérieures africaines, des universités européennes, ou américaines se sont finalement volontairement « expatriés » pour travailler dans des institutions et organisations internationales de renommées.
Ce départ massif de cadres de références a laissé le champ libre à des cadres sans profils véritables bardés aux aussi de diplômes généralement faux et qui sont le plus souvent soutenus par de « recommandations » politiques ou tribales ce qui avantage leur recrutement de complaisance.
Sur le plan éducatif. Les responsables politiques du pays, même ceux qui ont à charge la gestion de la politique de l’enseignement (qu’ils soient ministres ou cadres supérieurs) envoient leurs propres enfants suivre des études à l’étranger. Si bien que les écoles publiques, sont laissées à l’abandon parce que fréquentées uniquement par des enfants pauvres souvent assis à même le sol, enseignés par des recrues qui ne maitrisent ni l’arabe, ni le français et qui sont des salariés très bien payés sur le dos du contribuable pour des prestations de services médiocres.
Et c’est d’ailleurs pourquoi, très souvent, les enseignants de ces écoles publiques vaquent à leurs propres occupations en pleines périodes de scolarité, laissant à ces enfants des familles pauvres beaucoup de temps de liberté pour, soit travailler sur des charrettes comme collecteurs d’ordures ménagères, soit sniffer de la colle au coin des rues qui jouxtent leur école.
C’est peut-être ce qui explique, que le ministre mauritanien de l’Education et de la Réforme de l’Enseignement, Mohamed Melainine O. Eyih a toujours du mal à dormir sur ses deux oreilles quand il pense au désordre épouvantable dans lequel baigne son département.
Le malheur dans tout cela c’est que, les mauritaniens des mouvances arabes qui ont semé, -consciemment- ce désordre fou dans le système éducatif n’ont pas froid aux yeux et comme si rien n’était ils peuvent lever les yeux pour regarder les drapeaux flotter sur les mats des écoles qu’ils ont dévaluées.
C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, l’école mauritanienne offre un spectacle désolant. Vous avez des écoles de pauvres pour les petits négro-mauritaniens, des écoles de pauvres pour les petits maures blancs, des écoles de pauvres pour les petits harratines et d’un autre côté, des écoles de prestiges pour les enfants des papas qui ont « détourné » l’argent du contribuable.
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Des enseignants véritables mendiants de revendications interminables.
Jeudi dernier, le ministre Mohamed Melainine O. Eyih a qualifié « d’hors contexte » la grève que les enseignants envisagent d’organiser pour revendiquer des droits.
Le ministre a dit que pourtant, malgré le coût élevé de la pandémie, le budget de l’éducation a bénéficié d’augmentations importantes au cours des années 2020, 2021 et 2022.
La masse salariale globale des enseignants a bénéficié de très importantes augmentations qui se chiffrent à plus de 7 milliards d’anciennes ouguiyas pour les années 2020 et 2021 et elle frôle déjà le plafond de 4 milliards en ce début de l’année 2022.
Toutes les augmentations ont profité, directement aux enseignants du cursus scolaire. L’indemnité d’éloignement a augmenté par deux fois pour atteindre une hausse de 150% et l’indemnité de la craie a été payée pour 12 mois au lieu de 9 comme par le passé et elle a même été élargie aux directeurs des établissements.
En plus de tout cela, la toute dernière augmentation de 50% élève a élevé à 75% l’augmentation globale accordée aux enseignants. Les indemnités d’équipements et celles des instances d’encadrement ont été réglées.
Et, en avançant des chiffres, le ministre a rappelé qu’un recrutement de 4500 enseignants et de 1200 prestataires de services a été décidé pour combler le déficit des effectifs. 1000 moniteurs et 1000 professeurs adjoints ont été surclassés. Le département a par ailleurs réglé la situation de près de 600 chargés de cours.
Au regard de tous ces efforts consentis par le gouvernement, le ministre se demande quelle logique peut donc justifier une grève et surtout dans ces circonstances. Ce qui signifie que cette menace de grève laisse perplexe un ministre qui ne ménage pas les moyens pour mettre le corps enseignant et professoral dans des très bonnes conditions de travail.
Mais ce que le ministre ne sait pas, c’est que la Mauritanie est un pays atypique. Son système éducatif est malmené par des reformes de politiciens « marginaux », bloqué par des querelles politiques intestines au sein du département, et plus grave encore, dont les enseignants qui s’illustrent le plus souvent par leurs incompétences, sont accrocs de grèves.
En 10 ans, entre 2011 et 2022, les enseignants ont organisé 15 grèves. (2) en 2011, (1) en 2012, (2) en 2017, (1) en 2018, (4) en 2019, (4) en 2021 et (1) mal suivie récemment en 2022.
Et j’ai personnellement l’impression que le ministre n’a pas vraiment compris quelque chose de particulier chez nos enseignants. Ces enseignants sont plus familiers avec les indemnités de la craie qu’avec la craie elle-même, et ils ont toujours le regard plus tourné vers les tableaux des avancements que vers les tableaux noirs.
Ce qui explique d’ailleurs pourquoi, tout au long de l’année scolaire beaucoup de ces enseignants sont plus nombreux dans les couloirs du ministère que dans les cours de récréations.
Journaliste indépendant.