La Mauritanie s’inscrit dans une trajectoire positive, selon l’ambassadeur de France à Nouakchott, Robert Moulie, qui affirme avoir la chance d’avoir pris ses fonctions en Mauritanie à une période charnière historique – celle de la première transition intégralement respectueuse du cadre constitutionnel.
L’ambassadeur évoque le financement de la force conjointe du G5 Sahel et promet la participation active de la France si les autorités mauritaniennes décident de réunir leurs partenaires en 2020 dans le cadre d’un « groupe consultatif ».
Le diplomate indique par ailleurs qu’avec la langue arabe et les langues nationales, la Mauritanie possède un patrimoine linguistique de grande valeur, dont elle peut légitimement être fière.
Robert Moulie revient sur les avancées de la Mauritanie sur le plan sécuritaire et dresse le bilan de la coopération économique entre Nouakchott et Paris. (Interview)
ALAKHBAR_ Pouvez-vous nous faire un bilan chiffré de la coopération économique franco-mauritanienne ?
Robert Moulie : Le volume des échanges commerciaux entre la France et la Mauritanie s’élevait en 2018 à 180 M€ d’exportations françaises vers la Mauritanie et 40 M€ d’exportations mauritaniennes vers la France. Les principaux secteurs d’exportation de la Mauritanie vers la France sont le minerai de fer, l’agro-alimentaire notamment les huiles et graisses, les produits agricoles, la pêche. En 2018, la France est le treizième client de la Mauritanie avec une progression de 11,3% de ses achats sur le marché national par rapport à son niveau 2017.
Au-delà des échanges commerciaux et des aspects purement quantitatifs, les sociétés françaises et mauritaniennes sont actives sur les deux marchés nationaux. Les entreprises françaises en Mauritanie génèrent plusieurs milliers d’emplois directs et, bien sûr, elles génèrent des retombées fiscales qui contribuent au budget de l’Etat mauritanien.
Grâce au bilan sécuritaire de la Mauritanie et alors que les perspectives macroéconomiques du pays sont favorables, avec un secteur des hydrocarbures offshore qui devrait accroître sensiblement l’activité économique et les revenus de l’Etat mauritanien, l’intérêt des entreprises françaises pour le pays se renforce, comme en témoignent les échanges récents entre le patronat français (MEDEF) et ses interlocuteurs mauritaniens.
ALAKHBAR_ Quels sont les projets que vous avez appuyés ou vous allez appuyer en Mauritanie ?
Robert Moulie : En lien avec les autres partenaires de l’Alliance Sahel, l’Agence française de développement met en œuvre de très nombreux projets en coopération avec les autorités mauritaniennes. Entre 2012 et 2018, elle a ainsi engagé 230 M€.
Les projets en cours concernent le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’insertion, le secteur de la santé maternelle et Infantile, celui de l’énergie durable, de l’eau et de l’assainissement, le secteur du développement local et rural, le secteur de la justice ainsi que celui de la biodiversité.
Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, par exemple, l’AFD a travaillé depuis 1984 dans les régions Nord, Sud et Est du pays, mais également Nouakchott, avec le renforcement du champ captant d’Idini. Depuis 2012, trois projets sont en cours pour un total de 54 MEUR (dont 15,3 M€ proviennent de l’Union européenne), dans le Guidimakha, l’Assaba, le Gorgol, le Hodh Echargui, le Hodh El Gharbi.
Des premiers résultats sont déjà obtenus sur le terrain et, à terme, ces projets auront contribué à fournir un accès à l’eau potable à 283 000 personnes, à promouvoir l’hygiène auprès de 715 000 personnes, et à fournir un assainissement amélioré à 280 000 personnes.
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Dans le secteur de l’énergie durable, là encore, l’AFD intervient depuis 1984, avec notamment l’accompagnement du réseau électrique de Nouakchott. Depuis 2012, l’AFD a engagé 36 M€, dont 12 M€ de l’Union européenne, permettant d’installer une nouvelle production solaire de 2,2MW de puissance.
La centrale hybride de Kiffa inaugurée par le Président de la république au printemps 2019, fournit un nouvel accès à 265 000 personnes et améliore l’accès à l’électricité pour 58 000 autres personnes. Dans 39 localités de moins de 500 habitants, par ailleurs, 17 340 personnes bénéficient d’un nouvel accès à l’électricité. L’Ecole des métiers de la SOMELEC bénéficiera bientôt d’un projet d’appui aux métiers de l’Energie à hauteur de 12 M€.
Alors que la Mauritanie s’engage sur la voie de la décentralisation, l’AFD accompagne le secteur du développement local. Entre 2012 et 2018, l’AFD a financé près de 8 M€ pour accompagner les 73 communes des wilayas du Gorgol, Guidimakha et de l’Assaba dans plus de 1000 projets communaux au profit de 915 000 personnes : accès aux infrastructures de base, notamment des écoles, des centres de santé, mais aussi accès à l’eau potable et des projets de développement économique des territoires en vue d’améliorer les conditions de vie des populations.
Ce projet a fortement contribué à accompagner l’émergence des acteurs communaux et de dynamiques intercommunales à travers les associations des Maires.
En 2018, afin de poursuivre cet appui historique au secteur de la décentralisation et du développement local en Mauritanie, l’AFD a octroyé un nouveau programme pour un montant total de 12,7M€ sur 5 ans dans les mêmes wilayas sous maitrise d’ouvrage du ministère mauritanien de l’Intérieur et de la Décentralisation. Le même type de coopération concernera très prochainement le Hodh El Gharbi et le Hodh Echarghui.
ALAKHBAR_ La Mauritanie tend à organiser une table ronde pour attirer des financements. Peut-elle espérer l’appui de la France ?
Robert Moulie : La présence de la France aux côtés de la Mauritanie est une constante historique. C’est dans cet esprit que la France fait partie des principaux bailleurs de l’aide au développement dans le cadre de l’Alliance Sahel, dont une partie concerne la Mauritanie. Je rappelle, à cet égard, que le ministre français des Affaires étrangères a participé le 6 décembre 2018 à la conférence pour le financement du Programme d’investissements prioritaires des pays du G5 Sahel.
Le 17 septembre 2019, l’Envoyé spécial français pour le Sahel, l’ambassadeur Christophe Bigot, est venu confirmer les engagements du ministre aux côtés des autres partenaires de l’Alliance Sahel comme la Banque mondiale, l’Union européenne, d’autres pays européens et plusieurs institutions onusiennes.
Au-delà de ses propres financements, la France s’efforce de mobiliser les financements des bailleurs de fonds dans le cadre de l’Alliance Sahel, comme dans le cadre spécifique de la Mauritanie. Par ailleurs, si les autorités mauritaniennes décident de réunir leurs partenaires en 2020 dans le cadre d’un « groupe consultatif », la France y participera bien sûr activement.
ALAKHBAR_ Paris reconnait les avancées de Nouakchott sur le plan sécuritaire. Pourquoi vous continuez à placer des parties de la Mauritanie en zone rouge ?
Robert Moulie : Pour répondre précisément à votre question, la persistance d’une zone rouge en Mauritanie est directement liée à l’activité hostile de groupes armés terroristes à proximité du territoire mauritanien. Ces groupes réitèrent régulièrement leurs menaces à l’encontre des intérêts occidentaux, en particulier français, dans tout le Sahel.
Le zonage mis en place par le ministère français des Affaires étrangères s’adresse aux seuls voyageurs français, envers qui notre gouvernement s’engage à fournir les conseils les plus précis, documentés et objectifs sur les risques encourus partout dans le monde.
En Mauritanie, les attaques terroristes intervenues entre 2005 et 2011 ont à plusieurs reprises atteint nos compatriotes. Il était logique, dans ce contexte, que nos conseils aux voyageurs rendent compte de la réalité de la menace.
Ce qui nous a permis d’assouplir progressivement le zonage, c’est l’exceptionnelle disponibilité des autorités mauritaniennes pour partager avec nous leur propre évaluation des risques et les dispositions prises pour y faire face, dans un climat de confiance qui a été très apprécié.
En mars 2017, afin de tenir compte des efforts considérables de la Mauritanie pour reprendre le contrôle de la situation et au vu des résultats obtenus, un premier assouplissement du zonage est intervenu. Il s’est très vite traduit par une reprise dynamique du tourisme français en Mauritanie, notamment dans la belle région de l’Adrar.
Forts de cette expérience, nous avons actualisé notre évaluation l’hiver dernier et, en mars 2019, un nouvel assouplissement significatif a été décidé à la suite d’une concertation approfondie avec les autorités mauritaniennes, dont je salue sincèrement l’esprit de responsabilité.
Nous avons toutes les raisons de penser que la nouvelle saison touristique, ouverte le 19 octobre par les autorités mauritaniennes qui m’y avaient invité, devrait confirmer cette reprise du tourisme français en Mauritanie, dont je me félicite très chaleureusement.
ALAKHBAR_ Au Sahel, les populations sont hostiles aux forces internationales dont Barkhane. Elles les accusent de passivité. La Libye, elle, s’est déchirée après l’intervention française. Est-elle finalement un échec cette intervention française ?
Robert Moulie : Au Mali, les difficultés et les fragilités qui ont abouti à la crise rouverte en 2011/2012 ne datent pas de la crise libyenne. Et la crise en Libye n’a pas provoqué les mêmes effets dans les différents pays de la région. J’y vois la démonstration, si cela était nécessaire, de l’importance de considérer les facteurs endogènes aux pays en difficulté au Sahel.
Ceci étant dit, ceux qui voudront lire un échec français où que ce soit dans le monde, n’hésiteront pas à déformer la réalité des faits ou à cultiver les théories du complot. Ils trouveront aussi assez facilement à qui confier quelques pancartes pour essayer d’attiser un sentiment contre notre pays.
Car il est toujours plus facile de critiquer que de proposer des actions constructives pour répondre aux multiples crises qui traversent le Sahel. Pour ma part, je préfère rappeler une lecture que je crois plus juste, plus objective et moins réductrice des événements.
Votre question m’incite d’abord à rappeler quelques fondamentaux sur la situation régionale et les forces internationales en présence. La MINUSMA, présente uniquement au Mali, a pour mission d’accompagner la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation d’Alger, d’appuyer le retour de l’Etat malien, consenti dans le cadre de cet accord, et de sécuriser les populations civiles.
Avec Serval, je rappelle d’abord que la France est intervenue au Mali à la demande des autorités de ce pays, avec l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies et l’approbation de l’Union africaine.
Avec Barkhane ensuite, là encore en parfaite coopération avec les Etats de la région et en partenariat avec l’Union européenne et plusieurs de ses Etats membres ainsi que d’autres pays alliés, la France a fait évoluer son dispositif pour faire face à la réorganisation des groupes terroristes à l’échelle sahélienne, avec un double-mandat.
Tout d’abord, lutter contre les groupes armés terroristes qui cherchent à faire dérailler l’Accord de paix et, plus largement, à faire reculer la présence des Etats de la région pour imposer leur modèle de société violent et obscurantiste aux populations civiles. Barkhane accompagne également les armées des pays de la région qui en expriment le besoin.
Ce deuxième aspect est méconnu mais constitue la colonne vertébrale de l’engagement de nos militaires au Sahel. Ils forment leurs frères d’armes sahéliens et les accompagnent dans leur combat.
C’est pourquoi nous soutenons la force conjointe du G5 Sahel, une initiative forte des chefs d’Etat de la région qui vise à renforcer la présence de leurs armées dans les zones transfrontalières, souvent utilisées comme sanctuaire par les terroristes.
Ce que j’observe surtout, c’est la demande urgente des populations civiles à vivre dans la paix et la sécurité. Quelle demande serait plus légitime et plus naturelle ?
ALAKHBAR_ Après des années d’interventions au Mali, la France a-t-elle éliminé les djihadistes ?
Robert Moulie : L’action militaire déterminée de la France a jusqu’à présent empêché les groupes armés terroristes de parvenir à leur objectif de déstabiliser l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. Mais là où ces groupes provoquent quotidiennement l’insécurité et aggravent sans pitié le sort des paisibles populations, seul un retour de l’Etat dans toutes ses dimensions, militaires et civiles, est susceptible de faire reculer durablement ces groupes.
ALAKHBAR_ Ou en sommes-nous du déploiement effectif de la Force conjointe du G5 Sahel ? Est-ce que la Mauritanie refuse toujours d’intervenir au nord du Mali ?
Robert Moulie : En décidant de fédérer leurs efforts au sein du G5 Sahel, les Etats de la région se sont fixé le défi très ambitieux de répondre ensemble à une menace qui se joue des frontières et harcèle les populations. La Force conjointe continue sa montée en puissance et multiplie maintenant les opérations sur les trois fuseaux, avec des résultats prometteurs. Comme l’ensemble des partenaires qui ont manifesté leur solidarité avec la Force conjointe, la France accompagne cette dynamique sans ménager ses efforts.
En faisant face de façon responsable aux groupes qui l’ont attaquée entre 2005 et 2011, en réinstallant l’Etat sur l’ensemble de son vaste territoire, y compris très loin de la capitale où il risquait d’être concurrencé, en prenant les courageuses dispositions sécuritaires, politiques, administratives qui s’imposaient, la Mauritanie a réussi à reprendre le contrôle de la situation.
A cet égard, la Mauritanie fait figure d’exemple dans la région et l’ensemble de ceux qui souhaitent la paix dans la région comptent sur son leadership, notamment dans le cadre de sa future présidence du G5 Sahel, pour orienter le cours des événements dans un sens favorable aux populations.
ALAKHBAR_ Quand sera résolu le problème de financement permanent du G5 Sahel ?
Robert Moulie : Au Sahel, les groupes terroristes se sont attaqués à des Etats dont certains sont très vulnérables et manquent parfois sévèrement de moyens. Le G5 Sahel s’est fixé deux axes d’effort : un effort militaire, celui de la Force conjointe, et un effort de développement car les cinq Etats ont compris qu’il est impératif que les conditions d’existence des populations s’améliorent très concrètement et rapidement.
Ces deux axes d’effort coûtent cher et supposent une solidarité importante de la communauté internationale. Aux côtés de nombreux partenaires, notamment ceux de l’Alliance Sahel, la France a répondu présent en apportant sa propre contribution, sous la forme du financement de projets de développement, de matériels, d’équipements, ou encore de formation.
En décembre 2018, à Nouakchott, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian a participé à la conférence de financement du programme d’investissements prioritaires (PIP) du G5 Sahel. Outre les 280 M€ de projets de l’AFD déjà en cours d’exécution qui contribueront au PIP, il a annoncé à cette occasion 220M€ de nouveaux projets.
Moins d’un an plus tard, grâce à des modalités d’instruction très accélérées, nous avons dépassé cet engagement. 80 M€ de cette nouvelle enveloppe sont déjà octroyés avec des projets dans les secteurs de l’eau, de la formation professionnelle, de l’aménagement hydroagricole, du pastoralisme, du développement local.
En déplacement récemment dans le Hodh Echargui, j’ai pu constater les premiers résultats de ces projets sur le terrain. 86 M€ supplémentaires seront octroyés d’ici fin décembre 2019 et 61 M€ resteront à engager en 2020.
La France, comme les autres partenaires du G5 Sahel, apporte également son soutien sous la forme de coopération technique et opérationnelle dans le domaine militaire et de la sécurité. La France apporte enfin son aide en mobilisant sans relâche ses partenaires pour que ceux-ci tiennent les engagements qu’ils ont pris.
ALAKHBAR_ L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz refusait l’idée de la France de faire intégrer le Sénégal et la Côte d’ivoire au G5 Sahel. Paris a-t-il finalement eu satisfaction après du nouveau président Mohamed Ould Ghazouani ?
Robert Moulie : Par respect pour les lecteurs d’Al Akhbar, j’aimerais dissiper l’idée, suggérée dans cette question et fausse, selon laquelle la France s’immiscerait dans les questions intérieures du G5 Sahel et obtiendrait ou n’obtiendrait pas satisfaction de la part de tel ou tel chef d’Etat. La France ne fait pas partie du G5 Sahel, dont votre pays a d’ailleurs été à l’initiative.
Mon pays met très volontiers à disposition du G5 son expérience et son appui technique et financier pour l’aider à se structurer mais il ne saurait intervenir dans les choix souverains de cette structure.
ALAKHBAR_ La France s’intéresse aux droits de l’homme en Mauritanie. Quel est votre commentaire sur le mandat d’arrêt contre l’homme d’affaires franco-mauritanien Mohamed Ould Bouamatou ?
Robert Moulie : La France fait effectivement de la promotion des droits de l’homme un des marqueurs de sa politique étrangère. Elle le fait car les droits de l’homme sont au cœur de ses valeurs et qu’elle a la conviction qu’il s’agit d’un ingrédient indispensable à la paix et la prospérité dans le monde.
Nous agissons de façon publique à travers notre plaidoyer, à travers différents événements que nous soutenons, comme le concours international de plaidoirie, qui se tient chaque année à Nouakchott. Nous le faisons également très concrètement avec divers projets comme le projet Justice de l’Agence française de développement ou encore des projets de soutien à la société civile.
Au-delà de l’action publique, nous passons aussi des messages quand nous estimons que ces valeurs sont en danger, mais nous les passons sans donner de leçons et, autant que possible, dans la discrétion car dans ces matières, les projecteurs nuisent à la sérénité et peuvent avoir des effets contreproductifs.
Nous le faisons aussi dans le respect de la souveraineté des Etats et dans le respect de l’indépendance de la justice. A ce double titre, je me garderai de commenter telle ou telle affaire judiciaire pendante.
ALAKHBAR_ Quelle est la position de la France par rapport à l’unité nationale en Mauritanie ?
Robert Moulie : L’unité nationale mais aussi la cohésion sociale en Mauritanie comme partout ailleurs contribuent à la stabilité et elles sont une force sur laquelle s’appuyer pour gouverner. Pour répondre à votre question s’agissant de la Mauritanie, je ne peux que me féliciter que cette question soit au cœur du programme du Président El Ghazouani et de son gouvernement.
Tous les candidats lors de la campagne électorale avaient fait le constat du creusement des inégalités et tous avaient introduit dans leur programme une volonté de réduire ces inégalités. Le discours de politique générale et les premiers actes du nouveau gouvernement sont dans ce domaine encourageants et permettent d’être optimistes : nouveau programme social en faveur des plus démunis, augmentation du budget de l’éducation nationale, discours du Président annonçant la refondation de l’école républicaine, mesures prises pour assainir le secteur de la santé.
Le Président El Ghazouani a montré combien il avait conscience de ces enjeux. Visiblement fondée sur l’écoute, la concertation et la responsabilisation des administrations pour garantir qu’elles soient bien au service des citoyens, sa méthode ouvre des perspectives bénéfiques pour le pays.
ALAKHBAR_ Quelle comparaison faites-vous entre Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Ghazouani ?
Robert Moulie : En tant qu’ambassadeur de France, ma mission est de travailler avec les autorités mauritaniennes et d’établir avec elle le dialogue le plus fructueux. Je me réjouis des excellentes conditions dans lesquelles cette mission se déroule. J’ai la chance d’avoir pris mes fonctions en Mauritanie à une période charnière historique – celle de la première transition intégralement respectueuse du cadre constitutionnel. J’estime qu’il n’entre pas dans mes attributions de comparer les deux chefs d’Etat.
ALAKHBAR_ Que pensez vous du recul de la langue française en Mauritanie ?
Robert Moulie : Voici une question que l’on me pose en français et à laquelle je répondrai donc avec plaisir en français. Avec la langue arabe et les langues nationales, la Mauritanie possède un patrimoine linguistique de grande valeur, dont elle peut légitimement être fière.
S’il n’est pas cité dans la Constitution mauritanienne, l’usage du français est une réalité liée à l’histoire de la Mauritanie. Je comprends que certains, pour des raisons identitaires ou politiques, n’apprécient pas cette réalité. Mais cette réalité est là, c’est un acquis.
Ce constat fait, plutôt que de poursuivre un combat à mon avis démodé, pourquoi ne pas considérer le plurilinguisme comme une véritable richesse, une ouverture au monde, en particulier pour la jeunesse, dont une partie étudie dans les pays de la Francophonie ? Très fréquemment, je reçois des demandes pour accompagner les administrations, les structures privées, ou encore les particuliers dans leur volonté de développer l’enseignement du français.
Je crois que le français, comme l’arabe et toutes les autres langues internationales, est un facteur d’emploi partout dans le monde. Avec cinq Alliances françaises, toutes des associations de droit mauritanien, la Mauritanie détient l’un des réseaux les plus denses et les plus dynamiques de la région pour un pays de quatre millions d’habitants.
Notre coopération avec l’Université de Nouakchott pour valoriser l’enseignement du français, aux côtés de la langue arabe, ou pour permettre aux étudiants mauritaniens des classes préparatoires d’intégrer des cycles en français des grandes écoles est une réussite – je vous rappelle qu’avec huit Mauritaniens admis à l’Ecole Polytechnique en France, la Mauritanie s’est classée première dans le monde de cette session de printemps 2019 de la filière universitaire internationale francophone.
Il y a tout à gagner, à mon avis, à jouer la carte du plurilinguisme en développant le français au côté de l’arabe et non pas en mettant ces langues en concurrence. Dans ce domaine, mieux vaut être pragmatiques que de rester prisonniers de combats d’arrière-garde ou de lectures idéologiques. Pour moi, la vraie question à se poser est : de quoi a besoin la Mauritanie ? De quoi ont besoin les jeunes Mauritaniennes et Mauritaniens pour leur avenir ?
ALAKHBAR_ Qu’est-ce qui vous a plus plu ou déplu en Mauritanie ?
Robert Moulie : J’apprécie particulièrement la finesse et la profondeur d’esprit de mes interlocuteurs mauritaniens, ainsi que l’hospitalité toujours chaleureuse qu’ils me témoignent. Après une première année consacrée à mieux prendre connaissance des dossiers, j’ai commencé récemment à multiplier les déplacements, que ce soit à titre privé ou à titre officiel, au contact des populations et des projets que nous soutenons comme récemment dans le Hodh El Charghi. A chaque fois, j’en reviens très confiant dans la capacité de la Mauritanie à s’inscrire dans une trajectoire positive.
Alakhbar
18-12-2019