Guerguerat : L’Algérie ne vise qu’à déplacer les camps de Tindouf vers les zones tampons

Après trente ans de cessez-le-feu, le Front Polisario a décrété vendredi « l’état de guerre », en réaction à l’intervention pacifique de l’armée marocaine dans la zone tampon de Guerguerat pour rétablir le trafic routier coupé par les milices séparatistes sahraouis. L’opération lancée par le Maroc afin de libérer et sécuriser la route vitale reliant le Royaume à la Mauritanie et à l’Afrique profonde du brigandage, n’a été entachée d’aucun incident, mis à part la poudre d’escampette des milices du Polisario qui s’adonnaient à cet agissement.

En déclarant son retrait des accords, le Polisario a sonné le glas du cessez-le-feu signé en 1991 sous l’égide de l’ONU. Depuis, pour le Polisario, place a été faite au tambour de guerre. Les séparatistes sont passés soi-disant à l’offensive et il ne se passe pas un jour que Dieu fait, sans qu’un communiqué du Polisario n’indique une attaque par-ci ou une attaque par-là. Malheureusement pour les séparatistes, mis à part une ou deux petites escarmouches où le Polisario a dû se faire une raison quant à son impuissance à défier les Forces Armées Royales, la réalité du terrain est un « rien de nouveau sous notre soleil sahraoui ». Cela étant, il faut faire appel à l’analyse froide et faire une lecture sobre de cette conjoncture qui pousse l’Algérie à agir ainsi.

Joint par hespress.fr, Mohamed Taleb, membre du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS) nous éclaire quant à cela. « On peut effectivement se questionner sur le pourquoi de ces tambours de guerre du Polisario, le timing des trompettes de l’Algérie,  les menaces du chef d’Etat-Major de l’ANP, Saïd Changriha, le silence assourdissant de l’ONU qui in fine, se retourne contre l’Institution parce qu’elle a trop laissé faire ».

 Et de rappeler « Il y a eu plus grave que cet épisode de Guerguerat dans le passé, nous ne sommes jamais arrivés jusqu’au point de non-retour comme maintenant. Qu’est-ce qui a changé ? C’est la conjoncture ! Il faut que les gens fassent une bonne lecture de la conjoncture régionale et internationale et la relier aux évènements actuels dans nos provinces du sud. Aujourd’hui et dans ce contexte, nous avons besoin d’informations analytique pas de renseignements il n’y a de place qu’à l’analyste pas au correspondant de guerre qui tient son actualité des services secrets ».

Si  Guerre il y a, nous dit encore, Mohamed Taleb, « c’est l’Algérie qui en payera les frais avec les camps de Tindouf. Ils sont en effervescence. Des milliers de jeunes endoctrinés à Cuba, s’opposent au pouvoir du Polisario et revendiquent les armes pour aller à n’importe quel combat, que ce soit dans l’immensité du Sahel, les frontières marocaines ou mauritaniennes. On y trouve en plus des terroristes d’Aqmi qui y font leur beurre et leur propagande dans les camps même, leur porte-parole est d’ailleurs originaire de Laâyoune. Il y a également la présence d’autres groupuscules islamistes qui vivotent dans le Sahel au Mali, Burkina Faso, Niger etc,  sans parler des ramassis de trafiquants de drogue, d’armes et d’humains (immigration). Bref Tindouf c’est une cocotte-minute en voie d’explosion et l’Algérie a tout à en craindre ».

Puis étayant ses dires, Mohamed Taleb explique « Cette dernière est consciente de la dangerosité de la chose, aussi, réfléchit-elle à se débarrasser de ce lourd fardeau qu’elle a elle-même créé, ou à défaut, rejeter le Polisario hors de ses frontières et les expulser de Tindouf vers les zones tampons. L’intention n’est pas innocente. Le Polisario n’ayant pas de présence ni dans les zones tampons ni ailleurs du reste, il est fantoche, en l’y envoyant, Alger espère lui donner une entité en l’incitant à occuper des no man’s land afin de créer un précédent. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a poussé le Polisario à rompre le cessez-le-feu. On le sait aucune décision ne se prend sans l’accord des généraux ». 

« Depuis que le pouvoir algérien a réalisé que le péril polisarien pourrait lui être fatal, elle fait pression sur le Polisario pour qu’il déguerpisse. Cela a commencé en 2017. Ils ont encerclé les camps de Tindouf et plus personne ne pouvait et ne peut jusqu’à actuellement en sortir sans autorisation. La gestion de milliers d’endoctrinés devenait impossible sans compter que c’était également un terreau de milices pour les groupes de terroristes dans le Sahel et la région avec lesquels le Polisario faisait affaire. C’est une situation conséquente à la position inflexible de l’Algérie qui s’est toujours soulevé contre un recensement de la population et qui n’a jamais voulu accorder le moindre droit de regard à ces camps ni aux instances ni aux organisations internationales ».

Mais les velléités d’Alger ne se limitent pas qu’à cela nous dit par ailleurs notre interlocuteur. Le Sahara marocain est également le moyen de détourner l’attention des problèmes internes que vit l’Algérie à travers le Hirak, ou son président malade dont on ne sait ni le sort ni l’état de santé. On a vu par le passé et notamment dans les années 1990, quelles ont été les conséquences de la contestation à travers une période sombre et meurtrière de l’histoire de l’Algérie, dite “décennie noire” où 200.000 Algériens étaient morts.

Mohamed Taleb nous recadre en disant, « Mais au-delà de ces morts dramatiques, l’Algérie avait perdu pratiquement toute sa classe moyenne décimée et plus de 3 millions de personnes considérés comme l’élite du pays ont fuit l’Algérie (artistes, médecins, enseignants, journalistes, chercheurs avocats, magistrats…). Il n’est resté en Algérie que le petit peuple et les militaires ». Dont ceux à un âge certain à l’image de ceux rescapés naguère de la boucherie qu’ils avaient causé et qui détiennent les pouvoirs de l’ANP actuellement. Les islamistes non repentis qui n’ont pas rendu les armes sont pour leur part descendus vers le Sud ont fait et font toujours le bonheur des groupes terroristes dans le Sahel dont nombre sont alliés du Polisario. Pour rebâtir l’édifice, Algérie, il faudra plusieurs générations.

Et notre interlocuteur de conclure, « Une guerre qu’elle qu’en soit son issue ne servirait ni les intérêts des uns ni ceux des autres, dans le contexte actuel. Le Maroc jamais ne s’oserait à l’offensive car il prône une politique de sagesse et de retenue sauf bien sûr quand il s’agit de son intégrité ».  Le Souverain avait au demeurant réaffirmé à propos ,au secrétaire général de l’ONU, Guterres, l’attachement constant du Royaume au cessez-le-feu. Mais avec la même force, le Royaume demeure fermement déterminé à réagir, avec la plus grande sévérité, et dans le cadre de la légitime défense, contre toute menace à sa sécurité et à la quiétude de ses citoyens.

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ven, 20/11/2020 - 08:19