Plus de 80 journalistes venant de 45 pays d’Afrique (dont deux représentants de la Mauritanie) ont pris part au Sommet Turquie-Afrique des médias, organisé les 25 et 26 mai derniers à Istanbul par le Département de la communication de la Présidence turque. La rencontre à laquelle ont également participé des responsables d'institutions officielles et privées, des organisations civiles et des universitaires de Turquie et d'Afrique, ainsi que des diplomates africains, a été planifiée pour coïncider avec la Journée de l'Afrique, célébrée le 25 mai de chaque année.
Les participants ont librement partagé leurs visions et évaluations de l’ordre international et partagé leurs expériences dans le but d’affiner les partenariats existants.
Dans son discours d'ouverture, le chef du Département de la communication de la Présidence turque, M. Fahrettin Altun, a expliqué que l'attention portée par son pays à l’Afrique est basée sur l'égalité et l’intérêt mutuel. Il a exprimé l’espoir que ce sommet soit un cadre pour accélérer, renforcer et nouer de nouveaux partenariats entre ce continent et la Turquie, même si, dit-il, la tendance à la hausse du niveau des relations au cours des dernières années s’est beaucoup accrue.
M. Altun a évoqué le lancement de la plateforme numérique de TRT Français qui constitue un important outil pour faire entendre la voix africaine dans le monde. Il a ajouté que la Turquie fait l’objet, depuis quelque temps, d’une campagne de désinformation due à sa présence de plus en plus forte et rapide dans un certain nombre de secteurs d’activités.
Un partenariat sincère et gagnant-gagnant avec l’Afrique et la Turquie
Le chef du Département de la communication de la Présidence turque a appelé les médias africains à contribuer à contrer cette campagne. Il a signalé que la présente rencontre cherche à tisser des liens solides, rappelant que 2023 est déclarée comme l’année de l’Afrique et considérant que la Turquie se positionne comme étant le partenaire stratégique de ce continent.
«Nous voulons nouer un partenariat sincère et gagnant-gagnant avec l’Afrique, et c’est là l’occasion d’avancer main dans la main vers l’avenir », a lancé M. Altun.
Les travaux du sommet ont été marqués par l’organisation de plusieurs panels thématiques animés par des experts et enrichis par des discussions franches et approfondies. Dans ce cadre, M. Oguz Goksu, membre du conseil d'administration de la Radio Télévision Turque (TRT), a souligné la place prépondérante qu’occupent désormais les nouveaux médias, affirmant que ces derniers déterminent, plus que les médias traditionnels, la perception de la vérité chez le citoyen lambda. Car, soutient il, le mécanisme de vérification de la vérité tire pleinement profit de la teneur des médias sociaux.
M. Goksu a indiqué que la Turquie joue un rôle important dans la lutte contre la désinformation en se basant sur des études à l’échelle mondiale qui classent son pays parmi les 37 nations les plus exposées à être visées par la désinformation.
De son côté, M. Given Mkhari, du groupe sud-africain MSG Media Group, a invité les participants à réfléchir aux difficultés rencontrées par les journalistes africains pendant et après la pandémie de COVID-19. Une pandémie, rappelle-il, qui a malmené les medias pendant près de deux ans.
Pour sa part, la cheffe du Standard Group Women Network, basé au Kenya, Queenter Mbori, a déploré les nombreux défis auxquels les femmes ont eu à faire face pendant la pandémie, faisant état de statistiques concordantes révélant une prévalence croissante des cas de violence physique. Elle a affirmé qu’en dépit la dégradation de leurs conditions de travail, les journalistes ont toujours été en première ligne de la lutte contre le coronavirus.
Quant à Kayode Akintemi, du groupe nigérian GNEC Media, il a pointé du doigt les difficultés financières qui ont foudroyé les médias africains pendant et après la COVID-19 et qui ont conduit à une chute drastique des revenus de nombreuses entreprises. Il a même évoqué des troubles mentaux chez de nombreux journalistes à cause de leurs soucis financiers
La COVID à la perte de qualité et de valeur du contenu de l’information
Le représentant de l’agence de presse Anadolu a, lui aussi, longuement parlé de la désinformation et des fake news propagées sur la toile et induisant de nombreux medias en erreur. M. Erman Yuksel, rédacteur en chef responsable des langues du monde dans cette agence, a considéré que les médias numériques représentent, certes, un véritable atout pour les journalistes dès lors qu’ils offrent un accès rapide aux informations, une interaction active avec le public et une possibilité d’analyse des habitudes de celui-ci.
Cependant, a tempéré M. Yuksel, la numérisation a conduit à diverses formes de complications comme la propagation rapide de fausses informations qui s’est accentuée pendant la pandémie. Il a annoncé à ce sujet que l'Agence Anadolu compte lancer très prochainement un service de vérification des faits (fact-checking) afin de mettre à nu les fake news en circulation et d'en dénicher les sources.
En tant que source d'information majeure, notre agence occupe une position avantageuse grâce notamment à ses correspondants sur le terrain, ce qui lui permet de livrer une information directement issue de la source principale et de témoins oculaires, s’est félicité le responsable d’Anadolu. Selon lui, les journalistes ont grandement souffert de la perte de qualité du contenu de fond produit pendant la CVID-19 ainsi que des informations exclusives.
Abordant les bouleversements internationaux à l'ère des crises persistantes, M. Oguz Guner, président du département de diplomatie publique, a expliqué que le monde entier est en crise actuellement. Il a indiqué qu’aucune véritable définition n’a encore été trouvée pour ce concept en dépit des études et discussions dont il fait l’objet par les experts, les universitaires et les hommes politiques.
Dans une intervention sur ce sujet, M. Ahmed Uysal, directeur du Centre de recherche sur le Moyen-Orient, a souligné que l'ordre mondial fait l’objet aujourd’hui d’un bouleversement, donnant des exemples d’occupation illégale de pays par des puissances étrangères. Pour lui, l'État de droit est imposé aux institutions faibles alors que les pays forts s’en soustraient. M. Uysal a même fait observer que dans le nouvel ordre mondial, bien des grosses entreprises occupent une place plus importante que certains pays.
Les échanges entre la Turquie et les pays africains ont atteint en 2021 le montant de 25 milliards de dollars. Les entreprises turques dans ce contient exercent essentiellement dans le domaine des infrastructures.
Maarouf Ould Oudaa