Dans une interview accordée à RFI et France 24, lundi 10 février, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta annonce un dialogue avec les chefs djihadistes Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa
À la question faut-il dialoguer avec les djihadistes, le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) répond par l’affirmative. Lundi 10 février, dans un entretien accordé à RFI et France 24 en marge du 33e sommet de l’Union africaine, il a estimé qu’« il est temps que certaines voies soient explorées ». Précisant sa pensée, il cite deux chefs de groupes armés ciblés : Amadou Koufa, chef de la Katiba Macina, un groupe djihadiste du centre du Mali etIyad Ag Ghaly, chef du Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (Gsim). « Cette histoire de dialoguer avec Koufa et Iyad n’a pas surgi comme ça, au réveil d’un somme de IBK, a confié le président malien. Nous avons au Mali tenté la gageure d’un dialogue national inclusif et, parmi nos recommandations, il y a cet aspect-là. Pourquoi ne pas essayer le contact avec ceux-là, dont nous savons qu’ils tirent les ficelles de la situation au Mali ? »
Koufa et la Katiba Macina
Le rapport 2019 de l’International Crisis Group, publié en mai 2019, estimait que « les chances de vaincre la Katiba Macina par les armes étant minces, les autorités maliennes devraient donner aux chefs religieux les moyens d’initier des pourparlers avec ses dirigeants tout en encourageant un dialogue plus large entre les communautés du centre du Mali, y compris celles qui sont favorables à l’insurrection ».
L’analyse de l’International Crisis Group fait écho à une demande formulée, en 2017, par Amadou Koufa, le chef de djihadiste de la Katiba Macina, affilée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim) d’ Iyad Ag Ghaly. « Nous souhaitons que vous nous envoyiez les oulémas [un corps d’érudits musulmans], ils sont plus à même de comprendre ce que nous voulons. Si vous nous envoyez les oulémas, ils sont les bienvenus pour discuter avec nous. Il s’agit de Mahmoud Dicko, Mahi Banikane, Cheick Oumar Dia et d’autres. Ils pourront voir comment nous vivons ici, et nous pourrons l’apprécier ensemble. »
Le premier imam cité par Koufa, Mahmoud Dicko, est l’une des personnalités les plus influentes du continent africain selon Jeune Afrique. Celui qui était, en avril 2019, président du Haut conseil islamique, la principale organisation islamique du Mali estime nécessaire de maintenir le dialogue avec les djihadistes. En 2012, il s’était engagé dans la médiation avec des djihadistes quand le nord du pays était tombé entre les mains de ceux-ci.
Iyad Ag Ghaly et le Gsim
Mais la Katiba Macina est une sous-partie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim) et dont le chef, Iyad Ag Ghaly a fait allégeance à Al-Qaida. Ce qui ramène la question à la suivante : faut-il négocier avec Iyad Ag Ghaly, le chef du Gsim pour ramener la paix au Mali ? Dans une tribune publiée sur Jeune Afrique en septembre 2019, Mohamed Ag Assory, analyste politique, estimait que « négocier avec Iyad Ag Ghaly relèverait du pragmatisme politique, alors que le Gsim [du Mali] continue d’étendre son influence dans le Nord et le Centre, faisant de lui un acteur incontournable pour le retour effectif de la paix au Mali et plus largement dans le Sahel ». Récemment, la France qui est militairement engagée au Mali à travers la force Barkhane a estimé, par la voix du général Lecointre, chef d’état-major qu’une négociation avec les djihadistes serait « catastrophique ». Le gouvernement malien s’était jusque-là officiellement opposé aux dialogues avec les djihadistes.
Lucie Sarr
africa.la-croix.com/