Covid-19 : des diplomates français prédisent la chute de certains régimes politiques africains!

Le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie relevant du ministère français des Affaires étrangères estime que la crise liée au Covid-19 pourrait sonner la fin de certains régimes fragiles au Sahel et en Afrique centrale. Face à cette éventualité, il convient alors de trouver d’autres interlocuteurs africains capables de faire face à cette crise dont les conséquences seront essentiellement politiques, estiment le rapport intitulé « ‘’L’effet Pangolin’’, la tempête qui vient en Afrique ? ».

Selon la note diplomatique du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie, le Covid-19 pourrait fragiliser les appareils d’Etat des pays du Sahel et de l’Afrique centrale. Cela s’expliquerait par l’incapacité des pouvoirs en place de protéger leurs populations, en raison de la faiblesse des systèmes de santé. Les éléments déclencheurs de cette crise politique qui se profile à l’horizon seront le nombre trop élevé de décès, l’effet de comparaison défavorable à certains Etats, notamment ceux francophones, une personnalité du pouvoir ou de l’opposition dont la mort due au Covid-19 cristalliserait la contestation. « Le risque d’infection d’un dirigeant âgé et souffrant d’autres pathologies pourrait avoir de lourdes conséquences et obligerait à se positionner clairement et rapidement sur la fin d’un système et sur une transition », nous apprend la note.

Le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie estime également que le Covid-19 a deux dimensions économiques spécifiques sur l’Afrique. En Afrique de l’Ouest, les mesures de confinement saperont l’équilibre fragile de l’économie informelle, et en Afrique centrale, le choc lié au Covid-19 pourrait précipiter ce qu’il appelle « la crise finale de la rente pétrolière » au Cameroun, au Gabon et au Congo-Brazzaville, avec le risque que les sociétés pétrolières, avec en tête Total, quittent ces pays. « Dans les deux cas, cela pourrait constituer le facteur économique déclencheur des processus de transition politique », précise la note.

Le Covid-19 constituerait également un virus politique pour les pays africains. Les villes constituent les potentiels épicentres des crises. Les experts du Quai d’Orsay prédisent qu’au bout de quelques semaines, si confinement il y a, la question du ravitaillement des quartiers en eau, électricité et nourriture va se poser. Ce qui devrait entraîner des phénomènes de panique de la population. Ainsi, la question ne se posera pas en termes de personnes à sauver médicalement, mais en termes de besoins de première nécessité. « Quel quartier ravitailler ? Quelles autorités locales crédibles peuvent être les relais d’organisation de la distribution ? Quels produits de première nécessité fournir dans un cas de pénurie ? Dans ce contexte, des hausses de la délinquance sont attendues, mettant d’autant plus à l’épreuve l’autorité de l’Etat », analyse le rapport.
Il ajoute par ailleurs que le « discrédit » qui frappe les institutions va s’amplifier et le confinement n’arrangera pas les choses.

Face donc à la chute programmée des gouvernants, qui ne manqueront d’ailleurs pas de détourner l’aide sanitaire internationale « déjà dénoncée sous le terme de Covid-business », le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie estime que quatre catégories d’acteurs ont la capacité de mobiliser les foules. Et ces acteurs doivent d’ores et déjà constituer les interlocuteurs de la France pour la gestion de la crise liée au Covid-19 en Afrique. Ces acteurs, ce sont les autorités religieuses, les diasporas, les artistes populaires, ainsi que les entrepreneurs économiques et businessmen néo-libéraux.

Le Centre estime également que face à l’incapacité des Etats africains à protéger leurs populations, et face aux ambitions politico-opportunistes de certains, il convient de soutenir les paroles publiques d’experts africains scientifiques et spécialistes de la santé.

« Anticiper le discrédit des autorités politiques signifie accompagner en urgence l’émergence d’autres formes d’autorités africaines crédibles pour s’adresser aux peuples afin d’affronter les responsabilités de la crise politique qui va naître du choc provoqué par le Covid-19 en Afrique et sans doute ailleurs », conclut la note diplomatique.

Synthèse de Justine Bonkoungou
Lefaso.net

dim, 05/04/2020 - 14:12