Nous assisterons forcément à une nouvelle reconfiguration du monde géopolitique, face à cette crise sanitaire mondiale. Cela dit, on ne peut s’empêcher de se poser les questions suivantes: la crise en Libye prendra-t-elle fin? Mais plus encore, où se placent la Tunisie et l’Algérie? Autant de questions qui interpellent les experts en la matière.
Nadia Mesghouni, Senior Analyst Tunisia-Algeria, dresse un état des lieux. Et ce, dans une interview exclusive à leconomistemaghrebin.com. Elle apporte également son éclairage sur la situation en Libye.
– Comment voyez-vous la situation sur la rive sud de la Méditerranée depuis la fermeture des ports aux migrants?
Tout d’abord, notons, qu’en pleine crise du nouveau coronavirus, Malte et l’Italie fermaient officiellement leurs ports aux migrants. Une décision que dénonçaient les ONG de défense des migrants. Les autorités maltaises ont toutefois secouru, vendredi 10 avril, un bateau avec 67 migrants. Qu’elle plaçait ensuite en quarantaine.
D’une part, le ministre maltais des Affaires étrangères, Evarist Bartolo, souligne que plus que de 650.000 personnes attendent sur les côtes libyennes. Et ce, dans une situation désespérée, avec l’espoir de rejoindre l’Europe. Alors que la situation se détériore dans le pays.
D’autre part, la Valette demande qu’une mission humanitaire européenne soit lancée immédiatement en Libye. Et ce, pour fournir de la nourriture, des médicaments et des équipements de santé aux Libyens et aux migrants. En estimant aussi nécessaire de renforcer la capacité des Libyens à contrôler leurs frontières.
Ainsi, Malte se dit prêt à jouer son rôle en fournissant une aide logistique. Et ce, pour permettre à l’aide humanitaire d’arriver à destination. Tout en aidant la Libye à acheter du matériel médical. Puisque, l’UE appelait mardi à une action urgente en Libye pour éviter un drame humanitaire.
– En effet, il semble que la crise libyenne ne soit toujours pas résolue. Qu’en pensez-vous?
Il est clair que la crise libyenne qui oppose militairement le gouvernement d’entente nationale de Tripoli, dirigé par Fayez Al Sarraj, au Maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle notamment la Cyrénaïque, est aussi le théâtre d’affrontements entre leurs alliés respectifs. L’ONU, l’Union Africaine, l’Egypte la Russie, les Etats-Unis d’Amérique, la Turquie, la France, l’Italie, l’Union européenne, les Etats du Golfe; ils sont tous présents avec leur soutien à l’un ou l’autre des deux belligérants.
La crise en Libye dure depuis 2011
Ghassan Salamé était épuisé devant les accords successifs non-respectés. Et ces enchevêtrement diplomatiques, parfois à géométrie variable, d’une crise qui dure depuis 2011; avec la disparition de Mouammar Khadafi. Et la mission d’Antonio Gutteres n’est pas simple.
De son côté, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani s’est investi pour résoudre la crise libyenne. Il s’est construit une stature internationale qui force le respect. De même qu’il a rétabli une neutralité agissante entre les différents protagonistes. Avec le concours d’Ismail Ould Cheikh Ahmed, ministre des Affaires étrangères, qui a confirmé ses grandes qualités de diplomate. Il s’est familiarisé avec les crises actuelles, impliquant notamment l’Arabie Saoudite et ses alliés contre les Houthis et ses soutiens chiites. Il avait connu la Libye en 2004, en sa qualité de Représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l’ONU. Mais aussi en tant que chef adjoint de la mission d’appui des Nations Unies en Libye MANUL. Et représentant résident du PNUD en Libye. Un tel carnet d’adresse à l’ONU et en Libye est certes un atout.
Ainsi, lors de la réunion du Comité de haut niveau, du 30 janvier 2020 à Brazzaville, Mohamed Ould Cheikh El Ghezouani plaidait pour un rôle accru de l’Union Africaine. En liaison étroite avec l’ONU, le rôle du président mauritanien devient incontournable dans le dossier libyen.
Pour sa part, le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, en sa qualité de président du comité de haut niveau et facilitateur de l’Union Africaine pour la crise en Libye tenait à recevoir le renfort du président mauritanien; homme de consensus et non inféodé à une quelconque puissance, notamment impliquée dans le conflit libyen.
Crise en Libye: la solution politique est la voie à suivre
Un rapprochement entre l’ONU et l’Union Africaine est un préalable. Tandis que la solution politique est la voie à suivre, avec une réflexion institutionnelle.
Alors, Antonio Guterres se retrouve face à une équation difficile à plusieurs inconnues. Il avait lancé le 23 mars dernier un appel à un cessez-le-feu immédiat et mondial dans l’ensemble des pays actuellement en conflit. Et il a rappelé la nécessité de contribuer à la lutte contre le Covid-19. En Libye, le GNA et l’ANL, les deux camps avaient salué cet appel de Guterres. Pourtant, les combats redoublaient d’intensité, ces derniers jours. Ils affectent plusieurs quartiers résidentiels de la capitale. L’ANL bombardant sans distinction les infrastructures essentielles que sont les écoles et les hôpitaux. Et ce, afin de mettre à genoux les forces loyales au GNA.
– A priori plusieurs candidats sont en lice pour succéder à Ghassan Salamé. Qui, selon vous, pourrait occuper ce poste?
Une situation qui a conduit l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Ghassan Salamé à jeter l’éponge, après avoir tiré les conséquences des manœuvres souterraines de certains pays membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU qui ne veulent pas que les Libyens émergent de leurs enfers actuels. Et ce, à la fois pour des motifs de convoitise pétrolière et géostratégiques. Ceci pour dire combien les appels de l’ONU ne vont pas au-delà du vœu pieux. De ce fait, Ismail Ould Cheikh Ahmed, ministre mauritanien des Affaires étrangères, est un des candidats possibles qui pourrait succéder à Ghassan Salamé.
Le choix pourrait se porter sur la nomination d’un Jordanien
Cependant, l’option semble aujourd’hui écartée pour la Mauritanie pour reprendre ce poste. Comme l’Egypte et les EAU le souhaitent, le choix pourrait se porter sur la nomination d’un Jordanien. Plusieurs noms circulent déjà…
D’autre part, Ramtane Lamamra, diplomate de haut vol à Alger, a vu sa candidature torpillée par une coalition d’acteurs régionaux. A Alger, le quotidien Algérie patriotique a déploré dans son édition du 6 avril le « Complot ourdi par les Emiratis et leurs alliés égyptiens et marocains pour empêcher la désignation du diplomate algérien Lamamra. »
Néanmoins, le gouvernement suédois a officiellement nommé le diplomate Lamamra, comme membre du conseil d’administration de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, Sipri.
Il est le seul membre du Maghreb, d’Afrique et du Moyen-Orient sur les huit que compte le conseil d’administration du prestigieux organisme. Ce qui fait dire à ses proches que cette nomination est une « consécration diplomatique et académique avec des activités à titre bénévole ». Le choix porté sur l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères pour intégrer cet institut n’est pas l’œuvre des lobbys, encore moins le fait du hasard. Il est plutôt lié à sa riche expérience et à son expertise dans la diplomatie de la Paix à travers le monde. Le rôle de Lamamra a été décisif dans plusieurs conflits en Afrique, notamment au Liberia et au Mali.
Lamamra présentait un profil idoine
Car, SEM. Lamamra présentait un profil idoine pour prendre en charge la médiation onusienne sur la Libye. Mais les obstacles n’ont pas tardé à se dresser sur son chemin. En effet, la perception américaine d’une étroite proximité Alger-Moscou et la perspective qu’Alger retrouve un rayonnement diplomatique à la faveur d’une médiation stratégique sur la Libye a dérangé des frères ennemis.
– La crise en Libye a beaucoup intéressé les pays du Maghreb, principalement la Tunisie et l’Algérie, qui étaient présents à chaque fois. Qu’en est-il aujourd’hui, est-ce toujours le cas?
Effectivement, l’Algérie est un pays contigu à la Libye, ce qui complique encore la modération. Et Alger défend en effet un dialogue national inclusif qui inclurait toutes les parties y compris les frères musulmans. Ce qui dérange plusieurs autres pays qui poussent vers une approche plus exclusiviste. Une relance d’un dialogue politique inclusif ne cadrerait ainsi pas avec l’urgence militaire qui anime désormais le camp des parrains régionaux de Haftar.
De ce fait, le désaveu est cinglant pour la diplomatie algérienne qui espérait retrouver un peu du lustre de sa diplomatie des années 70. Et aider le régime à reconquérir l’opinion publique nationale. Après le grand vertige protestataire de 2019 autour du Hirak
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