En réaction à une décision personnelle, mesurée dans ses termes et claire quant à sa raison, j’ai été surpris d’apprendre, par médias interposés, une tentative médiocre d’expliquer -a posteriori- ladite décision par un « PNP », sans engagement politique national connu et au cursus universitaire flou.
J’aurais souhaité ne pas devoir répondre à ce type d’insanités, mais ma conscience ne m’y autorise guère. Je voudrais juste que l’on réfléchisse aux questions et remarques rapides suivantes, d’ailleurs j’y aiderai moi-même chemin faisant!
Depuis quand ont été acceptées les lettres de créances de mon successeur à Londres? (Moins de deux semaines!, je passe sous silence les détails de la démarche adoptée, car couverte par le secret professionnel…). Mon dossier a été envoyé à Rome environ un mois après le sien ; en somme, j’étais dans les délais imposés en Europe par le contexte sanitaire actuel.
Jusqu’au jour de l’injonction musclée et donc inhabituelle dans les usages diplomatiques qui a été faite aux ambassadeurs rappelés ou mutés, et avant eux aux conseillers, de rentrer immédiatement à Nouakchott, pour je ne sais quelle urgence nationale, sous peine de sanctions, obligeant des enfants mauritaniens innocents à interrompre leurs cours à deux ou trois semaines de la fin d’une année scolaire passablement chahutée et à s’exposer sur le plan sanitaire dans des aéroports aux hôtels fermés, les services protocolaires, aussi bien en Grande Bretagne qu’en Italie, travaillaient à distance, ce qui veut dire que les affaires non « urgentes » étaient systématiquement laissées à plus tard.
Est-il logique d’accepter l’accréditation d’un nouvel ambassadeur, au moment où les bureaux des services du protocole sont hermétiquement clos, les responsables concernés cloîtrés chez eux et les avions cloués au sol?
A supposer que ce grand pays qu’est l’Italie ait réellement refusé mon accréditation, cela n’aurait été ni la première fois, ni la dernière, sur le plan national ou international ; il aurait suffi d’attendre un peu pour avoir un poste de substitution(a casa o all’estero!).
Objectivement, j’ai de atouts raisonnables auprès de ce grand pays: je suis quasiment « fluente» en italien, j’y ai séjourné à trois reprises (3x3mois) dans les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, à l’International Center for Theoretical Physics (ICTP) de Trieste, sur l’Adriatique, comme jeune chercheur en mathématiques ; j’y ai publié des articles de recherche « pair-reviewed». Tout autre lien (privé) avec ce pays, ou d’une quelconque autre nature, serait le fruit d’une imagination morbide…
Sur un autre plan, quel est le seul pays au monde, autre que la Mauritanie, qui a déclenché un vaste mouvement diplomatique, au moment où les habitants des pays en question, et de la quasi-totalité de la planète, n’avaient pas le droit de « mettre le nez dehors », sans autorisation spéciale dûment établie?
Quelles nécessités objectives de service pourraient justifier un tel mouvement dans le contexte qui était le sien?
Aujourd’hui des dizaines de diplomates mauritaniens et leurs familles vivent dans la détresse totale, la peur au ventre, car sommés de rentrer au pays, en l’absence de vols réguliers et dans des conditions sanitaires hasardeuses, et ce sans raison professionnelle plausible. Deux à trois semaines de patience auraient suffi pour l’ouverture des lignes régulières et le règlement de la question des titres de transport (compensation entre compagnies aériennes).
En ma qualité d’ex-ministre des affaires étrangères et de la coopération, je profite de ce « post » pour lancer un appel pressant aux autorités nationales compétences, en faveur du rapatriement, dans la dignité, de nos diplomates rappelés et leurs familles inutilement importunés.
Je souhaiterais suggérer de limiter à l’avenir, la nomination, à la tête de départements ministériels sensibles, de personnes étrangères à la fonction publique mauritanienne et dénuées de légitimité électorale, car elles sont souvent atteintes du syndrome du « PNP en chef! », soucieuses « d’optimiser » au plus vite le laps de temps passé à la tête d’un département ministériel. D’autres formes de prébendes sont disponibles pour récompenser les « amitiés », au moindre coût pour l’intérêt public.
Enfin et sans nécessairement renoncer à recruter des cadres politiques au ras des réalités ethno-tribalo- régionales du pays, il serait souhaitable de prévoir un quota de recrutement « pour l’Etat », en conformité avec les standards internationaux en la matière.
Isselkou Ahmed Izidbih
Ex-ministre des affaires étrangères et de la coopération