Il ne sera pas écroué. Le principal opposant sénégalais, Ousmane Sonko, dont l’arrestation a provoqué des troubles dans le pays, a été inculpé lundi dans l’affaire de viols dont l’accuse une jeune femme. Alors qu’il dénonce un complot ourdi à la tête de l’Etat, le juge a ordonné de le relâcher sous contrôle judiciaire, ont annoncé ses avocats. Il devrait prendre la parole vers 15 heures (16 heures, heure de Paris).
« Il rentre chez lui. Il est libre », a annoncé l’un de ses conseils, Me Etienne Ddione, après la présentation de son client au juge. Après plusieurs jours de troubles, l’issue de cette présentation était envisagée comme un facteur important pour la suite des événements, selon que le juge décidait de placer ou non Ousmane Sonko en détention provisoire.
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Arrivé troisième de la présidentielle de 2019, le député est pressenti comme un des principaux concurrents du président Macky Sall en 2024. Son arrestation le 3 mars a provoqué trois jours de heurts entre jeunes et forces de l’ordre, de pillages et de saccages, notamment de magasins Auchan. Au moins cinq personnes ont trouvé la mort. La presse avançait lundi des chiffres plus élevés mais difficilement vérifiables.
A Dakar, le gouvernement a déployé ce lundi un fort dispositif sécuritaire, en prévision de manifestations lors de la présentation à un juge du principal opposant au pouvoir. Une foule de plusieurs dizaines de sympathisants, que les policiers avaient tenus à distance jusqu’alors, a envahi le parvis du tribunal en exultant et en lançant des slogans à la gloire d’Ousmane Sonko. « C’est la victoire de la jeunesse et de la vérité. Ousmane est le futur président du Sénégal», s’est ainsi exclamé Amadou Kébé, un vendeur qui disait être venu de loin pour soutenir l’opposant.
Une pauvreté accentuée par le Covid-19
Dans ce pays de 16 millions d’habitants considéré d’ordinaire comme un îlot de stabilité politique, l’arrestation d’Ousmane Sonko n’a pas seulement provoqué la colère de ses partisans. Elle a aussi, selon de nombreux Sénégalais, porté à son comble l’exaspération accumulée par la dégradation, au moins depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, des conditions de vie dans un pays déjà pauvre.
Le collectif Mouvement de défense de la démocratie (M2D), comprenant le parti de l’opposant, des formations d’opposition et des organisations contestataires de la société civile, a appelé à descendre massivement dans les rues à partir de lundi et pendant trois jours.
Devant le risque d’escalade, huit blindés de l’armée surmontés de mitrailleuses ont été positionnés sur la place de l’Indépendance, centre du quartier névralgique du Plateau, siège des grandes institutions telles que la présidence. Cette dernière était elle-même placée sous haute protection et ses accès barrés. D’autres blindés encore stationnaient auprès du port et à l’entrée d’un quartier populaire théâtre d’affrontements la semaine passée.
Les ambassades de l’Union européenne et de ses Etats membres, mais aussi des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de la Suisse, du Japon et de la Corée du Sud ont appelé à «une restauration pacifique du calme et du dialogue». Les Etats d’Afrique de l’Ouest ont exhorté «au calme et à la retenue».